Agriculture

En agriculture les savants arabo-musulmans ont présenté un grand talent . Dans le volume II de son ouvrage "les penseurs de l'Islam» Le Baron Carra De vaux, signale l'importance du traité «Kitab al-Filaha» d' Ibn Al- Awam. Il dit:"Ibn al-Awam s'est beaucoup servi pour son Kitab-al-Filâhâ,«livre de l'agriculture», de l'ouvrage d'ibn el-Wahchiya, il en a toutefois laissé de côté les superpositions et les considérations religieuses ou astrologiques. Son traité est étendu, détaillé, pratique, d'une haute valeur technique, et l'un de ceux qui font le plus d'honneur à la science arabe. On sait peu de chose sur l'auteur. Il était espagnol et il habitait à Séville. Il a écrit vers le VIe siècle de l'hégire (XIIe siècle de notre ère ) . «Il paraît avoir eu beaucoup de goût pour l'agriculture, dit son traducteur français Clément-Mullet, joignant la pratique à la théorie, car il cite souvent les expériences qu'il fit lui-même sur la montagne de l'Achraf, et les bons résultats qu'il en avait obtenus.»

Le traité se compose de 34 chapitres (1) dont les premiers concernant la connaissance des terres, les engrais, les diverses espèces d'eau, la manière de disposer les jardins, celles d'élever les arbres, de les planter, tailler, couper et transplanter, les fumures, l'irrigation. Il y a de très jolies choses apparemment bien observées, comme l'article sur la sympathie et l'antipathie des arbres entre eux: par exemple, une sympathie bien connues existe entre la vigne et l'ormeau; il y a sympathie aussi entre le pommier et le cédratier, le grenadier et le myrte. Par contre il y a antipathie entre le raisin blanc et le raisin noir, le noyer et la plupart des arbres autre que le figuier et le mûrier.

Plus de cinquante arbres à fruits ont leur culture décrite séparément  dans l'ouvrage; les différentes espèces de greffes sont expliquées en détail; les maladies des arbres sont étudiées avec leurs remèdes en général et pour plusieurs arbres à fruits particuliers. De nombreuses recettes et procédés d'un caractère pratique sont donnés, notamment pour conserver et emmagasiner les fruits. Les derniers chapitre XXXI à XXXIV, ont trait à l'élevage du bétail, aux chevaux, à la basse-cour et aux abeilles. Un dernier chapitre sur les chiens avait été promis, mais ne semble pas avoir été décrit.

Quoique d'un esprit surtout pratique, Ibn Awam fait cependant parfois un peu de théorie, comme au début du chapitre premier. Il est très remarquable, ce chapitre sur les terres, délivré en grande partie de l'Agriculture Nabatéenne; l'auteur y cite d'ailleurs d'autres agronomes, montrant que cette science avait été très cultivée avant lui, tel que Heddjâdj ou Ibn Hiddjâd, et Abou Hanîfah, «homme habile dans la connaissance des plantes».

«Le premier point en agronomie, dit-il, c'est de connaître les terres et de savoir distinguer ce qui est de bonne qualité d'avec ce qui est de qualité inférieure. Celui qui ne possède point ces  notions manque des premiers principes et mérite, en agriculture, d'être traité d'ignorant.» [...]

L'auteur décrit les diverses variétés de terre avec beaucoup de précision: «Quand le sol, dit-il entre autres choses, est disposé en plaine chaude et meuble, d'un aspect arénacé dans sa couche superficielle, sans cependant  qu'on puisse dire que c'est du sable, ce terrain sera un de ceux dans lesquels les plantes réussiront bien ; et si on a soin, pour les arbres, de les déchausser, puis d'y apporter de la terre, on les conservera longtemps quelque soit l'espèce. Car la terre, à cause de sa perméabilité, absorbe bien l'eau, soit celle du ciel, des pluies ou des irrigations. L'eau pénètre dans son sein et va arroser les racines et  raviver les radicelles. Quand au contraire la terre est compact et tenace, l'eau se répand à sa surface sans que l'intérieur en profite, puisqu'il ne peut être imbibé, et le terrain demeure stérile. Quand la terre est serrée, dure et aride, l'eau s'écoule à sa surface sans séjourner, et les radicelles des plantes sont privées dans son sein de l'humidité vivifiante.»

Le chapitre sur les greffes est très étendu. Y sont décrites: la greffe en fente nabatéenne, la greffe romaine ou grecque, la greffe persane, celle en écusson carré, circulaire, à forme de feuille de myrte, [...]. Parmi les autres chapitres, remarquable est encore le chapitre sur la vigne, qui est important aussi dans l'Agriculture Nabatéenne.

En somme , l'agronomie constitue en arabe un très bel ensemble de littérature scientifique, qui marque sans nul doute un progrès et un enrichissement considérable par rapport aux oeuvres du même genre qu'a laissées l'antiquité.

 

(1) Le livre de l'Agriculture d'Ibn al-Awam, traduit de l'arabe par J.J. Clément -Mullet, Paris 1864.

Exploitation du sol