La langue arabe

Ressource: «Les Arabes» Marc Bergé

La langue arabe devenue universelle joua le  rôle du grec d'autrefois pour transmettre le savoir

Si la rapidité fulgurante de l'expansion de l'Islam, à travers d'immenses territoires, n'échappe pas à ceux qui ont fait l'expérience de revivre avec les armées arabes cette chevauchée fantastique, de l'Arabie jusqu`à la Chine et au royaume des Franc, il est une autre envolée, surprenante - mais culturelle cette fois-ci, et non plus seulement, politique, économique ou religieuse - , qui fait qu'au XXe siècle la langue arabe est une des langues de travail de l'U.N.E.S.C.O. et de l'O.N.U., tout comme , dans les premiers siècles de la civilisation arabo-islamique, elle était devenu sans tarder «un instrument d'échange international des sciences et des technique»(L. Massignon). C'est ce que reconnaissait déjà, au Xe siècle, le grand savant, philiosophe, poète, historien et humaniste musulman, d`origine iranienne, AL- Biruni, dans le préface de son dictionnaire des termes pharmaceutique, le Kitab al-saydala. Amoureux de la langue arabe, qui était son instrument de travail dans tous les domaines, il n'hésitait pas à dire, prêchant l'exemple:

« La langue arabe est dépositaire de tous les arts de la terre; elle a pénétré profondément nos oeuvres, son pouvoir nous charme au plus secret de notre être, quoique à chacun sa propre soit douce qu'il emploie ou non. Si je réfléchi à ma langue (le persan) je trouve qu'elle semble obscursir toute idée qu'elle exprime, laquelle exprimée en arabe paraît clair et juste , bien que l'arabe ne soit pas ma langue maternelle.»

La langue arabe colportée par les conquérants musulmans avait donc les qualités requises pour mériter de se distinguer notamment par une vocation philosophique et scientifique propre. Reprenant le rôle d'autrefois de la langue grecque, l'arabe était âpte à répandre le Savoir, auquel l'Islam accordait une place de choix dans l'échelle de ses valeurs. Tout homme, touché par la civilisation arabo-musulmanne, était donc appelé, grâce à la langue arabe, à devenir éventuellement un savant digne de ce nom. Al-Biruni se plaisait à citer ce proverbe arabe :« votre savoir ne doit pas être comme un vêtement que l'on porte. Il doit faire partie de vous-même. Il ne sera pas lessivé par l'eau de votre bain.»

Mais qu'était au juste cette langue arabe dans laquelle un nouveau type d'homme, sorti du désert, mais enrichi d'un nouvel espoir et d'une culture religieuse et profane renouvelée, parvenaient à exprimer ses idées, ses sentiments, ses découvertes et sa foi?« On doit reconnaître, écrit W. Marçais, jusqu'au IXe siècle il s'était constitué une grande prose arabe, abondante, variée dans ses tours, aussi propre à la narration qu'à la discussion dialectique, capable enfin de suivre toutes les inflexions de la pensée et d'en rendre toutes les nuances [...]. Comme partout ailleurs, son apparition a coïncider avec les progrès  de l'aptitude à réfléchir et de la recherche scientifique». il ne restait donc aux Arabes qu'à exploiter «les capacités culturelles très réelles et très grandes»(L. Massignon) de leur langue en prenant le relais de l'effort déjà accomplit, depuis le Ve siècle au moins, par la langue syriaque, dans les Empires byzantin et sassanide, pour ne rien laisser perdre du trésor des Grecs qui avaient fondé«la raison universelle de la science»:

«le temps est illimité, disait al-Biruni, et les générations successives n'en parcourent que des étapes. Chacune d'elles transmet à l'autre son patrimoine qu'elle développe et met en valeur»

De cette prise de conscience, jaillie très tôt chez les Arabes, dès qu'ils eurent la responsabilité d'un vaste Empire, naquit un mouvement intense de traduction des ouvrages grecs, persans et indiens. La civilisation arabo-musulmane en fut la première bénéficiaire, mais l'Europe, par la suite, devait directement en cueillir les fruits.

L'arabe véhicule du savoir