La mécanique amusante - monde arabe

Gouvernés par des Rois, des Émirs et des Sultans, les savants arabes avaient à les satisfaire, à susciter leur curiosité, à suivre leurs  ordres et même parfois à réfléchir selon leur désir. Il suffit de lire les préambules de leurs traités pour mettre en valeur le respect que gardent ces savants envers leurs gouverneurs.

Dans l'introduction de son volumineux traité "la science  de la théorie et de la pratique de l'art mécanique" (لعلم والعمل النافع في صناعة الحيل) Al-jazari dit:" lorsque j'étais au service de Nasir al-Din abi al-fath ben Quarra Arsalan roi de Diyar Baker, il m'a demandé de composer ce traité. J'ai suivi ses ordres et j'ai adopté ses jugements car je n'avais d'autre recours que d'obéir".

De même, Al-Khazini, et précisément dans l'introduction de son traité intitulé "Construction d'une sphère qui tourne d'elle-même d'un mouvement identique au mouvement de la sphère céleste", fait éloge au gouverneur tut en faisant allusion à ses ordres. Il dit: "Notre Maître,le Cheikh, le Grand, Aba al-Hussein Ali ben Mohammad ben Issa, le métal précieux des sciences et la source des bienfaits dans tous les domaines, lorsque son excellence a remarqué les défauts des Zijs 3 et les erreurs que renfermaient les tables astronomiques, il a donné ses ordres pour renouveler  toutes ces mesures. Et avant d'aborder ce travail, l'exaltant ordre de son excellence imposa la construction d'une sphère qui tourne automatiquement d'un mouvement identique au mouvement de la sphère céleste. J'ai obéi à ses ordres et j'ai fais de mon mieux pour accomplir cette tâche".

Dans l'introduction du traité de Taqi al-Din " les méthodes sublimes des machines spirituelles " nous lisons: ...par ce livre , je rend service au plus respectueux Sultan de son temps et de son époque . À celui qui étend la justice et la paix... vous, le plus glorieux ministre Ali-Pacha, que la joie vous entoure et que le soleil de votre royaume s'illumine durant les longues années de votre règne..."

Ainsi comme les poètes devraient faire des éloges au Roi pour bénéficier de ses bienfaits , les hommes de sciences devaient apaiser l'orgueil de leurs Sultans, susciter leur curiosité et attirer leur  attention. À ce but, la majorité des appareils construits par ces techniciens, étaient représentés sous un aspect amusant. De ce fait, le professeur Hausser a fait observer qu'il s'agit plutôt de jouets scientifiques que de mécanismes d'une utilités pratiques .

Pourtant, c'est de cette mécanique amusante que se dégagent des idées techniques très précieuses , et c'est avec elle et à partir de la naissance de la maison de la sagesse au temps d'al-Ma'mûn)  qu'on assiste à l'éclosion de véritables techniques , c'est-à-dire des applications pratiques des idées théoriques clairement déduites des principes scientifiques ; des applications qui auraient été capables d'avancer d'au moins de deux siècles le développement de la technique occidentale, si elles étaient profondément étudiées.

Ce sont donc ces applications amusantes qui nous tentent aujourd'hui, afin de les examiner de plus près, d'étudier techniquement leurs mécanismes de base et de préciser leur rôle principale dans le développement des techniques modernes.