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Le patronage des hommes de sciences 

Le patronage des hommes de sciences et des ingénieurs fut une politique des États arabo-islamiques. Généralement, les califes,  organisaient des missions scientifiques chargés de faire des observations, de prendre des mesures ou de décrire des phénomènes naturels. Cette politique  adoptée dans le vaste Empire Musulman qui s'étalait des frontières de la Chine à l'Atlantique, encourageait l'installation des académies, des laboratoires, des bibliothèques et des observatoires. 

Parmi les institutions scientifiques les plus remarquables, nous signalons «Bayt al-Hikma» (Maison de la sagesse) fondée à Bagdad par al-Ma'moun dont le règne débuta en 198 de l'hégire/813 ap.J.C. Cette académie groupait des traducteurs, des hommes de sciences, des techniciens. Parmi ses membres, on trouvait des noms célèbres comme les frères Musa ben Chaker, Huneyn ben Ishâq, Thâbit ben Kurra  et d'autres. Deux observatoires astronomiques étaient rattachés à l'académie, l'un à Baghdad, l'autre à Damas .

Sous les Fatimides  (909-1171ap.J.C), la même politique fut adopté, une immense bibliothèque instaurée dans le palais groupait des ouvrages de valeurs, et vers 395 de l'hégire/1004ap.J.C Al-Hakim fonda «Dar al-Hikma»(Maison de la science) qui renfermait une bibliothèque et une salle de lecture. Cette maison dirigée par un savant reconnu, était le lieu de rencontre des hommes de sciences (astronomes, mathématiciens, et physiciens), des grammairiens et des philosophes. 

Les Califes ne se contentaient pas  de créer des bibliothèques et de bâtir des observatoires, mais, ils se mêlaient souvent et personnellement  à diriger une recherche ou à exposer un projet.

De ce fait, les savants, les hommes de sciences et les techniciens avaient à satisfaire leurs gouverneurs, à suivre leurs ordres et même parfois à réfléchir selon leur désir. À ce propos nous signalons al-Khawarizmi (780-850) qui rédigea, à la demande du Kalife al-Ma`mun, des ouvrages d'astronomie et de mathématiques. Nous trouvons aussi, dans les traités des savants et des chercheurs, des citations prononcées par les auteurs eux-mêmes. Ces citations tirées de quelques ouvrages mettront en relief une remarquable obéissance qui a influencé positivement le développement des sciences et des techniques au Moyen Âge ..

Dans l'introduction de son traité «Kitab al-asrar fi nata`ij al-afkar» (le livre des secrets dans les résultats des pensées) Al-Muradi dit: C'est à vous mon frère, que je dédie ce traité, que le bon Dieu vous garde... Regardez ces formes, mon frère, regardes-les profondément, d'un oeil de technicien expert, vous remarquez l'ingéniosité de leur fonctionnement et vous découvrez leurs secrets." 

Al-Jazari, dans le préambule de son volumineux ouvrage, «Al-jami`bayna al-'ilm wa al'amal al-nafi'fi sina'at al'- hiyal»(Recueil de la théorie et de la pratique de l'art des mécanismes ingénieux) exprime la volonté du roi :" lorsque j'étais au service de Nasir al-Din abi al-Fath ben Qara Arslan, roi de Diyar Baker, il m'a demandé de composer ce traité. J'ai suivi ses ordres et j'ai adopté ses jugements parce que je n'avais d'autre recours que d'obéir."

De même, dans l'introduction du traité d'al-khazini, intitulé «fi itikhaz kura taduru binafsiha biharaka musawiyya liharakat al-falak» (Contruction d'une sphère qui tourne d'elle même, d'un mouvement similaire au mouvement de la sphère céleste), nous décelons une citation qui révèle le comportement des savants à l'égard des gouverneurs et la participations de ces derniers à l'encouragement des recherches scientifiques. Al-Khazini dit: "Notre Maître, Le Cheik, Le Grand, Aba al-Hussein ali ben Mohammad ben Issa, le métal précieux des sciences et la source des bienfaits dans tous les domaines. Lorsque son excellence a remarqué les défauts des« Zijs» et les erreurs que renferment les tables astronomiques, il a prononcé son ordre de renouveler toutes ces mesures. Et avant d'aborder ce travail, l'exaltant ordre de son excellence imposa la construction d'une sphère qui tourne d'elle-même d'un mouvement similaire à celui de la sphère céleste. J'ai obéi à ses ordres et j'ai fait de mon mieux pour accomplir cette tâche.".

A son tour,Taqi al-Din, dans l'introduction de son traité,«Al-turuq al-saniyya fi al-alat al-rouhanniya» et après avoir fait ses éloges au Sultan Ali pacha , lui dédie son livre: " Par ce livre je rend service au plus respectueux Sultan de son temps et de son époque. A celui qui étend la justice et la paix...vous, le plus glorieux ministre Ali Pacha, que la joie vous entoure et que le soleil de votre royaume s'illumine durant les longues années de votre règne...".

Par ces patronages les savants ont innovés et  les sciences arabo-islamiques furent développées. 

Par contre une citation de Wikipédia a attirée notre attention concernant  Galillée (1564-1642) qui fut condanné à la prison à vie le 22 juin 1633 et son ouvrage d'astronomie dans lequel il vérifie le mouvement de rotation de la terre fut interdit. De plus il a été obliger de prononcer la formule d'abjuration que la Saint-office avait préparée:

"Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilci de Florence, âgé de soixante dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant le très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généreux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma mains les Saints Évangiles, jure que j`ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendra  pour vrai dans le futur, tout ce que la Saint Église Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j`avais été condamné par injection du Saint office d`abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n`est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit;et après avoir été averti que cette doctrine n`est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j`ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière; ce pour quoi j`ai été tenu pour hautement suspect d`hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n`est pas le centre, et se meut.[...]».   


Imagination surprenante

À toute les conditions qui ont favorisé et encouragé le développement des techniques dans le monde arabe, il faut ajouter un élément qui leur est propre "L'imagination". Il y est représentée dans les contes orientaux par des récits imaginaires, dont quelques-unes méritent d'être signalés.

Telle est , par exemple , dans  Al-Firdawsi (1) la description d'un automate imitant une princesse qui pleure: " De temps en temps elle lève une main et essuie une larme de son cil... les larmes qu'elle verse suivent toujours le même cours, et sa main revient toujours se poser sur sa cuisse du même côté".

 Bien connu le cheval volant des "Milles et une nuits" qui est représenté comme une construction mécanique. La description est tellement réaliste que le lecture se laisse prendre.

 On met le cheval  en mouvement en tournant une cheville qui ressort un peu au défaut du cou . On le ramène en tournant une autre plus petite situé près de l'oreille droite.

Un autre précurseur de l'aéroplane paraît dans un conte des "Mille et une nuits "- Le coffre volant - ll est en forme d'oiseau, il a trois pieds de longueur, quatre de largeur. On s'y tient assis . Il est pourvu d'ailes, la machinerie est composée de roues, de ressorts. Le sixième jour, le coffre étant achevé, on le couvrit d'un tapis perse et on le porta dans une campagne. Son possesseur s'y étant assis , "toucha un ressort" l'appareil aussitôt "s'éleva de terre et fendit les airs avec une vitesse incroyable". Le construction apprend à Malek (2) à le diriger: en tournant ce vis, vous irez à droite; en tournant celui-ci, vous irez à gauche. En touchant ce ressort vous monterez, en touchant celui-là vous descendrez. "Effectivement le coffre obéissait à ma main, raconte Malek, allait comme il me plaisait". Il surpassait la vitesse des vents. Son acquéreur l'emploie, comme il convient dans un conte, à aller visiter dans un palais entouré de murailles et de fossés profonds, une princesse qui est retenue par la rigueur de son père . Il défend ensuite le roi en jetant du haut du coffre, des pierres sur les ennemis qui viennent l'assaillir, puis il se sert de la machine pour produire dans l'air un magnifique feu d'artifice. Le coffre a un fin bien conforme à sa nature : un jour que son possesseur était aller faire des courses en ville, ayant laissé sa machine cachée dans les bois comme à son habitude, une étincelle, échappée de quelque foyer intérieur, y mit le feu et l'appareil fut consumé entièrement (3).

On ne saurait trouver une vision plus rapprochée d'une intuition future. de tels contes ne sont pas indignes de l'histoire de la science. Ils montrent le travail de la pensée à la recherche du progrès, l'imagination précédent le fait, et ce long désir de l'esprit qui prépare les découvertes.

Signalons finalement que l'homme de science arabe est un savant qui s'intéresse aux applications, s'attache aux descriptions exactes et ne retient que les faits appuyés sur son expérience personnelle .  

1-  Al-Firdawsi - Firdaws al-Hikmah - ( Le paradis de la sagesse ) . manuscrit sans date

 2- Malek: Héro des  "Mille et une nuits"

 3 - Al-Khadem Sa'ad - Les automates dans le monde arabe - sans date ni nom de l'éditeur.


  Genèse et essor de la science arabe

Dans mes recherches , un livre intitulé " L'apport scientifique arabe à travers les grandes figures de l'époque " a attiré mon attention. Rédigé par Salah Ould Moulaye Ahmed et édité par «les éditions de l'Unesco ce livre mérite d'être signalé.

Nous essayons de résumé le premier chapitre

"On peut distinguer trois phases dans le développement de la science arabe de l'époque classique: la première, d'assimilation de l'héritage scientifique grec et oriental, allant du milieu du VIIIe s/IIe H.,qui voit l'apparition de nombreux savants compilateurs, traducteurs et commentateurs d'ouvrages anciens; Bagdad, capital des nouveaux califes abbassides, devient rapidement le plus grand centre scientifique du monde. La deuxième, d'approfondissement, nettement plus créatrice que la précédente, où l'on assiste, du IXe s./IIIeH.au début XIIes/VIeH., à l'émergence d'une véritable culture scientifique arabe propre; la pensée arabe, se dégageant de l'orbite grecque, connaît alors son âge d'or, sa période faste de floraison intellectuelle et artistique, tandis que l'empire s'affirme à la fois comme foyer d'une civilisation brillante et Carrefour du commerce mondial. Enfin la troisième, s'étendant du XIIe s./VIe H., qui voit d'une part , la diffusion en Europe médiéval de la science arabe à travers un intense mouvement de traduction de l'arabe au latin à partir de l'Espagne (Tolède) et de la Sicile, et, d'autre part, le démembrement de l'empire - notamment sous les assauts des Turcs Seldjoukides, des croisés et des Mongols - avec pour conséquences, entre autres, la prolifération de principautés et de foyers de civilisation, et surtout le recul, puis la sclérose progressive de la vie intellectuelle."

DE LA CONQUÊTE DES TERRES À LA RECHERCHE DU SAVOIR

"Au début du VIIe siècle après J.C. apparut une religion nouvelle révélée au Prophète Mahomet -l’Islam- qui allait littéralement bouleverser le cours de l'histoire . En effet, quelques années à peine après la mort du Prophète, en 632/11H , les Arabes Islamisés par leur nouvelle foi, se lancèrent résolument à la conquête du monde et parvinrent à constituer, moins d'un siècle plus tard, un immense empire s'étendant de l'Espagne aux confins de la Chine .

Ces conquêtes, assurément l'un des évènements majeurs de l'histoire de l'humanité, furent étonnantes par leur rapidité et surtout par la disproportion frappante entre les moyens mis en œuvre et l'immensité des territoires gagnés à la nouvelle civilisation. ....

.... «Jamais homme n'entreprit avec de si faibles moyens une œuvre si démesurée aux forces humaines , puisqu'il n'eut, dans la conception et dans l'exécution d'un si grand dessein, d'autre instrument que lui-même et d'autres auxiliaires qu'une poignée d'hommes dans un coin du désert» : tel est le jugement qu'Alphonse de Lamartine portrait, au XIX siècle , sur cet homme à la statue incomparable que fût le Prophète de l'Islam dont l’œuvre, immense, restera un monument.

.... La prodigieuse et fulgurante expansion de l'Islam fut, certes, religieuse , militaire et politique, mais elle se manifestera également sur le plan intellectuel et culturel: Les Arabes héritiers de tout les apports de la culture antique - notamment grecque, persane, indienne et chinoise - surent préserver, consolider et propager les acquis, constituant ainsi un relais précieux entre l'Antiquité et la renaissance européenne qui débutera au XVe siècle. Cette expansion fut suivie d'un âge très fécond d'assimilation culturelle et d'épanouissement scientifique qui fascinera le monde durant des siècles avant de disparaître, au XIIIe siècle /VIIe H., à la suite des croisades, des invasions turco-Mongoles, de la dislocation de l'empire et d'interminables guerres intestines".

....Parvenus ainsi à incorporer à leur génie propre divers éléments des antiques cultures, les Arabes réussirent également l'exploit , durant tout le Moyen Âge, de faire progresser la science tout en contribuant parallèlement à l'essor intellectuel et scientifique du monde en général et de l'Occident en particulier. Celui-ci était alors à peine éveillé du long cauchemar dans lequel l'avaient plongé, depuis la chute de Rome au Ve siècle, les peuples barbares, plus portés à l'action violente et destructrice qu'au maintient des concepts et à la spéculation intellectuelle".