Le palais des rois de Saba

Ressource: J. Pirenne,«Arabie préislamique» , dans Histoire de l'art, le monde non chrétien. La pléiade, Paris 1961, I, 924-925.

Al-Hamadani, écrit J.Pirenne, « nous a décrit le palais des rois de Saba et Dhou -Raydan résidant à San'a'»:

« La base des colonnes qui supportaient le palais était ornée de lions de bronze dont l'arrière-train était du côté de la cour, tandis que la tête et l'avant-train sortaient vers l'extérieur.» Ce palais, nommé Ghumdan, avait vingt étages de dix coudées de haut; en tout 200 coudées, « ce qui n'était pas hors de leur pouvoir , car ils accomplissaient des merveilles en maçonnerie». Son constructeur, le roi Isharah, avait fait ajouter sur la dernière terrasse une chambre où il dormait; il l'avait fait couvrir d'une dalle d'albâtre- pierre blanchâtre et translucide - si bien qu'il pouvait distinguer, de son lit, les différents espèces d'oiseaux qui passaient. A chaque coin était la statue de bronze d'un lion et, ces effigies étant creuses, on entendait, quand le vent passait au travers, un rugissement lionien. Cette chambre avait plusieurs fenêtres aux chambranles de marbre et obturées d'ouvrages d'ébène ajouré, et des toitures de soie. Sur la dalle de la toiture, un support en dôme soutenait une lanterne qui brûlait toute la nuit et se voyait du haut des montagnes voisines. Parmi les merveilles les plus admirées du mobilier: une clepsydre (horloge à eau).

Les mosquées

Les mosquées, où, en tous points du monde, la communauté musulmanne se rassemble pour prier, tournée vers La Mekke, sont l'expression monumentale par la variété de leurs architectures, de leur décor, de leur histoire, de leur fonction, de ces pays d'Islam, multiples et pluriels, bien qu' ils se réclament du message fondateur de Muhammad. Ainsi, les mosquées qui furent fondées dans les premiers siècles de l'Islam reprirent le plus souvent le plan de la Grande Mosquée de Omeyyades, édifiée à Damas au début du VIIIe siècle, avec une salle de prière, de type basilical, divisée en travées longitudinales, et une grande cour entourée de portiques. Mais à Samarra, la Grande Mosquée, reconstruite par le kalife abbasside al-Mutawakkil (847-861) se distingue par un extraordinaire minaret hélicoïdal, inspiré des ziggourats babyloniennes , et par un immense enclos ceint de murs et de tours permettant d'accueillir la foule des courtisans lors des prières officielles. Deux siècles plus tard, le sultan saljoukide Malik Shâh, maître de tout le Proche-Orient, fit rebâtir en 1088 la Grande Mosquée d'Isfahân en s'inspirant d'un plan d'origine proprement iranienne: quatre iwâns, ou niches monumentales, dont les voûtes s'ornent d'un décor, plus tardif, de carreaux de faïence polychrome, s'ouvrent sur une vaste cour centrale. À l'autre extrémité du monde musulman, le minaret de la Koutoubiyya de Marrakech, achevé en 1196, tout comme la Giralda de Séville, édifiée vers 1190 sont, avec leurs arcatures polylobées aveugles et leur décor géométrique en briques, de magnifiques témoins de l'art dit «hispano-mauresque», qui s'est déployé dans l'Occident musulman aux époques almoravides et almohades. Les mosquées-medreses, construites en grand nombre dans l'Anatolie seljoukide du XIIIe siècle, suivent un plan singulier, de type basilical sans cour, et sont précédées, trait nouveau et caractéristique, d'un porche monumental, à stalactites de pierre. Signe d'un Islam noir, profondément original, la Grande Mosquée de Jenné, dont la fondation remonte à l'apogée du royaume de mali, du XIIIe au XVe siècle, est entièrement en briques de terre, à l'image des constructions locales. Et, à l'aube des Temps modernes, Le grand architecte Sinân bâtit à Istanbul, dans les années 1550, la Suleymaniyyé pour le Sultan Suleyman premier: dominant le Bosphore de sa masse coupoles, cet édifice, dont le plan fut copié sur celui de Sainte- Sophie, affirme la volonté des Ottomans de se poser en héritier de l'Empire Byzantin et en nouveaux maître du Bassin méditerranéen.

Source :Les Pays de l'Islam- Alain Ducellier , Françoise Micheau . Hachette

Aspect des villes

La ville musulmane comprend d'ordinaire trois centres. le premier, c'est la mosquée principale, avec ses écoles coraniques et la madrasa toute proche. Ce groupe urbain se trouvait relié au souk des librairies. C'était le foyer remuant de la vie religieuse, politique, estudiantine, littéraire et savante. Puis il y avait le grand marché, qui s'appelait Kaisariya en Syrie. en Egypte et au Magreb: mot d'origine byzantine où l'on reconnaît la racine «césar»: c'était une grande Halle, où l'on négociait les articles chers, et qui fermait pendant la nuit. Tout autour sont les caravansérails et les fondouks. C'est le quartier de souks. À l'origine, un souk était une rue couverte par un toit de branchages parfois en charpente; et les boutiques bordaient la rue, réservées à un seul métier: c'était un héritage de la voie antique bordé de colonnades. Avec le développement du commerce, un souk pu devenir un ensemble de rues où on se groupe autour d'une place, toujours pour un même métier. Vers le mur d'enceinte étaient relégués les métiers «polluants» (potiers) et ceux qui dégagent de mauvaises odeurs (teinturiers , tanneurs, selliers, marchands de vin). Hors de l'enceinte se tenaient les marchés où les ruraux apportaient leurs produits. Les rues principales étaient éclairées la nuit: en Irak et en Iran, par des lampes à pétrole; ailleurs, par des lampes à huile. C'est tout cet ensemble intra muros qu'on appelle encore aujourd'hui medina. Un troisième centre était la citadelle (en arabe Kasba), à l'origine simple arsenal fortifié, puis habitation du gouverneur et de sa garde personnelle. Dans les capitales princières, cette forteresse abritait un ou plusieurs palais, à côté desquels était un hippodrome: pour l'entraînement et pour les jeux - celui du Polo ( mot d'origine tibétaine) était fort à la mode. Mais les casernes des soldats turcs étaient toujours placées dans des endroits écartés, par souci de sécurité. Les soldats manoeuvraient sur des esplanades à l'extérieur des remparts.

Dans une ville musulmane existent des Bains publics: les hammams, à l'imitation des thermes byzantins qui continuaient la tradition grecque et romaine - bains froids et chauds, comportant plusieurs salles, pavées de pierre ou de marbre. L'eau venait de l'extérieur, par de citernes en ville, par des conduites: une sorte de noria l'amenait dans une chaudière maçonnée, chauffée par le sous-sol. Des ouvertures à vantaux mobiles assuraient l'aération. Le service était fait par de garçons de bain, qui louaient serviettes et peignoirs et vendaient du savon, flanqués par des masseurs, des coiffeurs, des saigneurs. L'ensemble était affermé à un tenancier. il y avait les hammams des hommes et ceux des femmes, celle-ci avaient toujours à faire à un personnel féminin. Les bains étaient fréquentés tous les jours, car la pureté rituelle est une obsession. Les pratiques de la purification religieuse sont en effet minutieuses: elles visent à surveiller les réflexes corporels afin de mieux atteindre la spiritualité. Mais la fréquentation des bains procurait également un plaisir physique et des occasions de longs bavardages.

À l'intérieur de certaines villes, il y avait aussi des latrines publiques payantes, au sol dallé de pierre et contenant quarante à cinquante cabinets individuels, avec évacuation vers des égouts par des petits canaux d'eau courantes. la ville comprenait aussi des hôpitaux, des asiles de vieillards, des orphelinats: les uns pour les hommes, d'autres pour les femmes. Tout étaient gratuits, financés par le pouvoir ou par le waqfs. Mais les cimetières et les léproseries étaient à l'extérieur des remparts.

Source : L'Islam et la civilisation islamique - Georges Peyronnet - 1992