Les anciens royaumes arabes

Le royaume de Hira

Nous ne savons rien de bien certain sur la première période du royaume de Hira; ici, comme d'ordinaire dans les débuts des royaumes et des villes, la légende remplace l'histoire. Les amours de 'Adî b. Rabî'a avec Raqâs, sœur du roi DJadhîma al-Abras; le courroux de celui-ci d'abord, et ensuite sa tendre affection pour son neveu 'Amr, né de Raqâs; les étranges aventures de ce dernier, enlevé par les Djinns; les guerres de Djadhîma avec 'Amr b az-azrrib et avec la belle Zabbâ' la Zenobia des auteurs classiques, tout cela est du domaine de la légende et il serait bien difficile d'en dégager la partie historique qui peut y être mêlée. A partir de la dynastie Lakhmide ou des Banî Nasr, nous sommes mieux renseignés sur l'histoire du Hira. On peut placer le commencement de cette dynastie dans la seconde moitié du IIIe siècle, mais le premier roi qui, de nos jours même, ait acquis une certaine célébrité est Imru'l-Qays premier, car c'est à lui sans doute qu'il faut attribuer l'inscription de Nemâra, trouvée naguère par M. Dussaud dans le pays de Safa (Syrie centrale). Cette inscription, qui est allée enrichir les grandes collections du Louvre, a une double importance: historique et philologique. Elle commence par ces mots: li nafs Maralaqays bar 'Amr malik al'arab Kullihâ; ...« ceci est le tombeau de Imru'lQays fils de 'Amr' roi de tous les Arabes ...». La date authentique de la mort d'Amr' al-Qays est le 7 décembre 328 . C'est une date très importante pour fixer la chronologie des rois du Hira.

L'arrière petit-fils de Imru'l-Qays Nu'mân premier jouit d'une célébrité qui eut un grand retentissement dans la poésie et dans l'histoire plus ou moins légendaire des Arabes.

Le royaume de Hira était définitivement sous la dépendance des Sassanides, à tel point que Yezdejerd premier (399-420) chargea Nu'man de l'éducation de son propre fils Bahram (Bahrâmgôr).La construction du château de Khawarnaq (الخورنق) et aussi, dit-on, de celui de Sadir, que Nu'man aurait bâtis, ajoutèrent un grand éclat à son règne.

A Nu'mân succéda vers 418, son fils Mundhir(منذر) premier, qui régna à peu près jusqu'à l'an 462. Ce prince avait des qualités extraordinaires et sous lui le royaume de Hira joua un rôle important dans les événements du temps. Mundhir aida Bahrâmgôr dans la guerre victorieuse contre les Byzantins.

Les rois de Hira prennent désormais aux guerres entre les Sassanides et les Byzantins; Nu'mân II, petit fils de Mundhir, blessé à la bataille de Khabûr près de Circésium meurt peu après, en 503. Le plus illustre parmi les rois de Hira est sans doute Mundhir III, qui mourut en 554, après avoir régné environ 50 ans. Procope lui-même l'appelle très intelligent et grand capitaine.

A partir du règne de Justin (518), la paix était rompue entre les Sassanides et les Byzantins, et Mundhir prit une part active à la guerre. Il avait fait prisonnier deux généraux grecs, et Justin ne dédaigna pas d'envoyer un ambassade auprès du petit roi de Hira, pour obtenir, sans doute, que les deux généraux fussent mis en liberté. En même temps que celle de Justin, Mundhir recevait l'ambassade du roi de Yémen. Dans la guerre de Cobad, il joue un des premiers rôles; il fait des incursions sur le territoire grec, et il sait toujours échapper à la poursuite des Byzantins. À cette époque, sur la frontière byzantine, un autre état arabe était devenu assez puisant pour rivaliser avec le royaume de Hira et pour être mis à profit par les Byzantins contre les Sassanides et leurs vassaux  les Lakhmides.

Les lakhmide sont alliés et vassaux des Sassanides depuis Sapor II (Shapur) au IVeme siècle. Vers 420, le prince Lakhmide Al Mondir, soutient Bahram V Ghûr dans sa conquête du pouvoir sassanide. En 531, Alamundaros (Al Mundhir IV), un chef Lakhmide contribue à la victoire de Kosroe 1er contre le général byzantin Bélisaire. En 578, la guerre contre les Ghassanides alliés à l'empire byzantin, connaît une défaite significative, Hira est prise et incendiée. Plus stable que l'état Ghassanide, le royaume lakhmide se révolte contre le roi sassanide Kosroe II. Vers 602, le "roi" An-Nu'man III est éliminé par le souverain perse qui annexe ses territoires malgré la victoire à la bataille de Dhi Qar remportée par Hany bin Masud contre les troupes sassanides. Les Lakhmides redeviennent indépendants sous le règne d'Hormiz IV, à la fin du 6eme siècle. En 633, Al-Hira se rend rapidement aux troupes commandées par le chef musulman Khaled. 

Le royaume de Ghassân

L'histoire de la première période de ce royaume, comme celui de Hira, est remplacé, par la légende; les Ghassanides, venant de l'Arabie méridionale, se fixèrent dans le pays de Bosra, qu'ils trouvèrent habité par d'autres tribus arabes auxquelles ils restèrent soumis pendant un certain temps. Vers le milieu de IVe siècle Th'alaba b. 'Amr (ثعلبة بن عمر) reçut des Byzantins l'investiture du pays qui devait former plus le royaume de Ghassân; le pouvoir passa ensuite aux princes de la famille de Djafna. Quoiqu'il en soit, c' est à partir de la seconde moitié du IVe siècle que les Ghassanides commencèrent à figurer dans l'histoire comme alliés de Byzance. En 373, après la mort du roi Harith II (حارث الثاني) probablement, sa veuve Mâriya ou Mâwiya prit les rênes du pouvoir. Selon les tradition, cette princesse guerrière partout victorieuse, força les Byzantins à demander la paix.

Au cours du VIe siècle, le royaume de Ghassân obtient sa plus grande importance, coïncidant avec la puissance de Hira; une collision entre les deux états devenait désormais inévitable. Vassaux de deux états ennemis, l'un de la Perse et l'autre de Byzance. Le plus grand roi de Ghassan et l'ennemi le plus acharné de Hira fut Hârith V, le fils de Harth al-Akbar et de Marie. Justinien le créa patricien «batriq», ce qui le plaçait au plus haut rang, et les contemporains lui donnent le titre du roi.

Harith V et Mundhir II sont les deux figures qui dominent l'histoire des Arabes du VIe siècle.

Le royaume de Kinda

Le royaume de Kinda qui surgit à la fin du Ve siècle et au commencement du VIe, au centre de la péninsule, et qui compte au nombre de ses princes le grand poète Imru'l-Qays.

Hudjir Akil al Murâr passait pour le fondateur de ce royaume, qui était trop près des Himyarites du Sud pour ne pas en subir l'influence. La position de Kinda vis-à-vis de Himyar ressemblait en quelque manière à celle des Lakhmides vis-à-vis des Sassanides, ou des Ghassanides vis-à-vis de Byzance. Mais Les Kinda avaient un ennemi redoutable dans le roi de Hira; l'un des rois des Kinda et le plus vaillant, Harith b. 'Amr parvint à se rendre maître du royaume de Hira au moins en partie; il résidait pourtant ailleurs qu'à Hira, peut-être à Anbar. Mais Mundhir eut bientôt le dessus; en 529, il attaqua Hârith, le força à prendre la fuite, et non content de la victoire, il donna l'ordre d'égorger des princes de Kinda qu'il avait fait prisonniers.

Le royaume de Kinda se dissout bientôt et la discorde divisa les enfants de Harith, Salâm et Sarâbîl; le second fut assasiné à Kulâb. Mais derrière eux se cachait l'hostilité des différents tribus qui amena les guerres et les combats plus fameux de la «Djâhiliyyah».

Ce royaume de peu de durée ne fut pas sans grande importance pour l'avenir des Arabes. Cette réunion de nombreuses tribus sous le sceptre d'Âkil al- Murâr est, si je peux m'exprimer ainsi, un premier essai des Arabes du centre de la péninsule pour se ranger sous la conduite d'un chef commun. Il prélude au mouvement qui réunira un siècle plus tard tant de tribus différentes sous le fondateur de l'islamisme.