Les historiens arabes

Les historiens dans le monde arabo-musulman sont assez nombreux. C'est à eux que nous devons la conservation du grand trésor littéraire et scientifique du monde arabo-musulman. C'est la richesse du contenu de leurs traités qui a amené, tant de chercheurs dans tous les domaines de la connaissance, à chercher inlassablement les manuscrits qui y sont signalés.

 Al-Maqdici , Ibn Khillikan , Al-qalqachandi , Ibn Jubeir, Ibn al-Athir , Al-Mas'oudi , Al-Tabari

 

historiens arabes

Al-Maqdisi

Chamsaddin Mohamed b. Ahmed al-Maqdisi, d'une famille originaire de Jérusalem, ne nous est connu que par les maigres indications qu'il donne sur lui-même dans ses écrits: Il semble qu'il est vécu au moins jusqu'en l'an 1000, après avoir parcourus tout le monde de l'Islam dans un but scientifique. Il nous a laissé, sous le titre «les régions de la terre» une description méthodique des pays de l'Islam, fruit de ses observations personnelles en même temps que de ses recherches bibliographiques, qui est certainement le livre le plus original de toute la littérature géographique des Arabes, et en tout cas le plus nourri et celui que l'historien peut mettre le plus pleinement à profit. D'une insatiable curiosité, esprit clair et précis, dans une langue concise dont tous les mots portent, l'auteur y livre en effet une foule de notations uniques sur les moeurs, la vie économique et administrative, etc., en relevant, çà et là son exposé d'une pointe d'humour.

- J. Sauvaget - historiens arabes  - 1988

Ibn Khillikan

Chamsaddin Ahamd b. mohammad Ibn Killikan, né à Irbil (l'Arbèle antique), passa toute sa vie en Syrie et en Egypte: cadi du Caire, puis cadi-suprême de Damas, puis professeur au Caire, à nouveau cadi-suprême de Damas, c'est en cette dernière ville qu`il mourut, redevenu simple professeur, en 1282. Son oeuvre principale, le seul livre de caractère historique qu'il ait laissé, est un grand dictionnaire biographique intitulé «Nécrologue des hommes illustres»: largement conçu, composé avec soin, écrit dans un style simple, ce répertoire monumental est extrêmement utile. Non seulement l'auteur ne limite pas son attention aux souverains et aux grands de la terre (la majorité de  notices portent sur des hommes de lettres et des savants) et laisse de côté les célébrités d'un caractère trop technique, mais encore il apporte sur ses contemporains bien des indications originales.

Source - Historiens Arabes - J.Sauvaget  - 1988

Al-qalqachandi

Chihabaddin Ahamd al-qalqachandi, égyptien, mort en 1418, se consacra tout d'abord à l'enseignement, puis entra comme secrétaire au Bureau  de Rédaction du Caire , C'est à cette circontance que nous devons la plus importante de ses oeuvres, «La clarté matinal nyctalope» (Sobh al-A`cha), véritable encyclopédie à l`usage des agents de l'administration, qui résume toutes les connaissances que doit posséder un secrétaire rédacteur, depuis des renseignements techniques sur l`encre, la plume et la calligraphie jusqu'à l'histoire, la littérature et l'almanach.

Al-Qalqachandi décrit les provinces de l'Egypte et de la Syrie, tout les États dont les souverains sont en relation avec la Chancellerie du Sultan, en insistant sur l'organisation politique et administrative; il expose les règles qui gouverne les Bureaux; enfin tout au long de cinq volumes, il réunit des exemples de correspondances politiques et d`acte de nomination des fonctionnaires qui ne sont pas seulement ... des modèles ... mais des pièces d'archives.  Fruits de trente ans de pratique du métier, basé sur des documents  authentiques, cet ouvrage considérables (14 volumes- in 4) est une source exceptionnellement précieuse pour l'étude des institutions gouvernementales de l'Orient musulman. Sa trop grande technicité fait que ses pages les plus caractéristiques ne sauraient être présentées au public non spécialiste sans un trop abondant commentaire.

Source : Historiens Arabes - J -Sauvaget- 1988

Ibn al-Athir

Appartenant à une famille originaire de Djeziret-Ibn'Omar ( Haute Mésopotamie), et lui-même fils d'un haut  fonctionnaire des princes zenguides de Moussoul, 'Izzaddin'Ali b. Mohammad Ibn al-Athir naquit en 1160 et mourut à Mossoul en 1234. Contrairement à ses deux frères, qui sont eux aussi connus par leur activités littéraire, il n'occupa point de foctions officielles et se consacra à la science en simple particulier. Il a composé, sous le titre «Les lions de la jungle», un répertoire des «Compagnons» de Mahomet, qui ne groupe pas moins de 7.500 notices biographiques. Mais comme historien il est surtout connu en tant qu'auteur d'une grande histoire générale du monde musulman: «Le livre parfait sur l'histoire», oeuvre intelligente et bien composée, largement documentée, s'efforçant très heureusement de réserver la même place aux divers pays et de donner aux évènements leur importance relative, mais qui ne peut éviter les défauts habituels de ce genre de compilations: des négligences, des erreurs, des omissions: surtout, l`auteur procédant par amalgame de documents fournis par ses lecteurs et ne citant jamais ses sources , il est souvent impossible de reconnaître s`il donne des faits une version correcte ou seulement une interprétation personnelle, qui peut-être erronée. Ce livre «Parfait» n'est pas  un guide parfaitement sûr. Ibn al-Athir a encore composé une «Histoire des atabegs de Mossoul» qui est le type achevé de l'ouvrage d'historiographie dynastique, écrit par une créature des princes dont il retrace la vie; richement informé, très détaillé, il suffira d'en lire la préface  pour mesure le degré d'indépendance et d'objectivité que l'on peut attendre de lui.

Atabeg: Chez les dynasties turques du temps des croisades ce mot désigne les «régents» des princes impériaux: les grands émir(beg) auprès desquels les jeunes princes allaient faire leur éducation politique et militaire . Ils servaient en somme de père(ata) à ces princes.

Source: Historiens arabes - J. Sauvaget - 1988

Al-Mas`oudi

'Ali b. al-Hosein al-Mas'oudi, d`une vieille famille arabe de Bagdad, parcourut en curieux pendant quarante ans la Perse, l'Inde, la Chine, Zanzibar, la Syrie et l'Egypte: il mourut à al-Fostas en 956. Il fut moins un professionnel de la science qu'un amateur et c'est ce qui explique le caractère de son oeuvre. Considérable et variée, celle-ci est perdue pour sa plus grande partie: du moins avons-nous conservé« les laveries (on a aussi compris: les prairies) d`or et les mines de pierres précieuse», dans lesquels l'auteur à résumé son «livre moyen», qui condensait lui-même la matière de son ouvrage historique en 30 volumes: la«chronique du siècle». L'histoire est  conçue là moins comme une science que comme un divertissement : l'auteur vise moins à l'exactitude qu'à fournir un ornement à  l'esprit et un aliment à la conversation. C'est de l'histoire pour gens du monde. Varié, écrit dans une belle langue et avec un soucis marqué de la présentation littéraire, l'ouvrage est d'une lecture agréable mais on y cherchait en vain quelque trace de sens critique : des faibles absurdes et des détails futiles y cotait des récits d'une historicité certaine.

Source - Historiens Arabes - J. Sauvaget - 1988

Voici ce que Al-Masùdi raconte des occupations nocturnes du calife Mu'awiya:

«Un tiers de la nuit était consacré à la lecture de l'histoire des Arabes, de leurs journées célèbres, à celle des peuples et des rois étrangers, de leur politique et de leur biographie, leurs guerres et leur stratagèmes, leur système de gouvernement, en un mot tout ce qui forme l'histoire du passé. Puis on lui apportait, de la part de ses femmes les friandises les plus recherchées [...]. Après quoi il fallait dormir pendant un tiers de la nuit. A son réveil, il se mettait sur son séant et se faisait rapporter les archives renfermant les biographies des rois, leur histoire, leurs guerres, les secrets de leur politique. Des personnes étaient spécialement chargées de cette lecture, ainsi que de la conservation de ces documents. Chaque nuit il écoutait plusieurs fragments d'annales et de recueils historiques ou politiques. Ensuite il allait réciter la prière du matin»

Dans un autre passage, parlant du calife Al-Mansur , Al-ma'oudi écrit:

« Le premier parmi les calife, il réunit à sa cour des astrologues [...] Un astrologue mage, Nawbaht, vécut auprès de lui, abjura entre ses mains et fut le chef de cette fameuse famille (de savants) des Nawbathi[...]. C'est aussi par ordre de Mansur qu' on traduisit pour la première fois en arabe des ouvrages en langues étrangères, tel que Kallilah wa dimnah et (le livre indien) Sindatta (ouvrage de base pour l'établissement des tables astronomiques), ainsi que différents traités d'Aristote sur la logique etc," l' Almageste" de Ptolémé, " le livre  "d'Euclide", le Traité d'arithmétique et plusieurs autres ouvrages anciens, grecs, byzantins, pehlevis (persan) et assyriaques. Une fois en possession de ces livres, le public les lut et les étudia avec ardeur[...]. Dès son avènement au trône, al-Mansur s'adonna à la science (religieuse et profane).

Al-Tabari

Abu- Ja'afar Mohammad b. Jarir al-Tabari, né en 850 à Amol (en Perse du Nord, au voisinage de la Mer Caspienne), mort à Bagdad en 923, après avoir longuement voyagé et étudié en Irak, en Syrie et en Espagne: passionné pour l'étude, d'une puissance de travail peu commune, d'un désintéressement total, il consacra toute sa vie à la science et il est peu de disciplines qui ne l'aient retenu. Le plus grand nombre de ses ouvrages de tradition et de jurisprudence est perdu, mais il nous reste de lui deux admirables monuments de labeur et d'érudition: «son commentaire du Coran», devenu le livre classique de l'exégèse coranique, et ses «Annales des prophètes et des Rois», moins de 13 volumes, n'est elle-même qu'un abrégé d'un ouvrage dix fois plus étendu dont l'auteur s'est résigné à ne conserver que l'essentiel, jugeant ses contemporains trop  paresseux et trop dépourvus de curiosité intellectuelle pour utiliser son oeuvre sous sa forme originelle. Cet ouvrage est le meilleur type de la plus ancienne manière des historiens arabes: celle qui substitu à un récit continu une suite de notation de détails, cités chacune sous les noms de leurs rapporteurs, chacun de ceux-ci ne relatant que ce qu'il a vu ou appris personnellement, sans que l'auteur se préoccupe de relier l'un à l'autre ces récits fragmentaires, de combler leurs lacunes, ou de résoudre leurs contradictions. Un ouvrage d'histoire construit selon cette formule - celle-là même qu`emploient les recenseurs de traditions prophétiques - n'est qu'un recueil de matériaux historiques en vrac, de fiches qu'il appartient au lecteur de classer, de critiquer et de mettre à profit correctement.

Ce qui distingue les Annales d'al-Tabari des oeuvres similaires, ce n'est pas seulement son ampleur et la richesse de sa documentation, mais aussi le souci dont témoigne l'auteur de s'appuyer autant que possible sur des rapports de témoins oculaires.

Source : Historiens arabes - J. Sauvaget - 1988

Ibn Jubeyr

Mohammad b. Ahmad ibn Jubeyr, voyageur arabe d'Espagne, né à Valence en 1145. Fils d'un fonctionnaire, il fait ses études à Valence et il  fut nommé secrétaire du gouverneur de Grenade. Vers 1183 il entreprit un voyage de pèlerinage pour la Mecque qu'il gagna par la voie d'Alexandrie et de la haute Egypte, visita au retour l'Irak, la Haute-Mésopotamie et la Syrie, pour s'embarquer finalement à Acre et rentre en Espagne après avoir touché la Sicile. Son traité «tadhkira bi akhbar `an ittifaqt al-asfar (Relation des péripéties qui surviennent pendant les voyages) connu encore sous le nom de «Relation de voyage» est un document de premier plan pour l'étude de l'Orient musulman au XIIe siècle.

Ibn Jubeyr décrit l'Hôpital construit en 1182-1183 sur l'ordre du Sultan Saladin

Nous avons aussi visité l'Hôpital qui se trouve au Caire et qui est un des titres de gloire du Sultan; c'est un palais très beau et très vaste qu'il a ouvert au public afin que son acte soit rétribué et lui soit compté au jour du jugement dernier. Le sultan a désigné un administrateur choisi parmi les savants; il lui a confié la pharmacie, lui a permis de préparer des potions et de les prescrire selon leurs vertus; il a installé des salles, dans ce palais, avec des lits occupés par des malades et entièrement équipés. Cet administration a sous ses ordres des agents chargés de veiller sur les patients, matins et soir, et de leur servir les repas et les boissons adaptés à leur cas. À côté de cet hôpital, il y a un établissement réservé aux femmes avec des infirmiers qui veillent sur elles. Un troisième édifice, fort vaste, jouxte les deux premiers, dans lesquels on voit des pièces grillagées, destinées aux fous soignés eux aussi par des infirmiers qui, chaque jour , s'enquièrent de leur état et leur fournissent le nécessaire .

Ibn Jubeyr - Voyageurs arabes - Paris bibliothéque de la Pléiade - Gallimard, 1995