René Taton
Afin de préparer une thèse en sciences humaines (histoire des sciences), j'ai eu l'honneur de faire la connaissance du maître
des professeurs dans ce domaine et d'être parmi ses élèves , c'est le professeur René Taton .
Durant trois ans j'ai suivi régulièrement ses cours et chaque séance approfondit mes estimations et mes respects envers une
personne dont les caractères vous touchent profondément. Humble , modeste , rigureux , méticuleux ... etc je n'arive pas
à tout signaler
Ainsi je laisse la parole au journal Le Monde par son article le jour de son décès
RENÉ TATON. HISTORIEN DES SCIENCES
(le Monde du mardi 17 août 2004)
René Taton vient de nous quitter subitement lundi 9 août à Ajaccio. Agé de 89 ans, il travaillait encore à une édition des lettres de son héros, le mathématicien Gaspard Monge, qui fut aussi ministre du premier gouvernement républicain de Danton en septembre 1792.
C'est bien l'école républicaine de la Troisième république qui avait conduit le jeune Ardennais René Taton, après l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, à s'engager à vingt trois ans dans le professorat des écoles normales primaires, en vue de la formation des instituteurs. Cette expérience l'a contraint à un style précis, où tout mot technique doit recevoir une explication, et où toute allusion doit toujours être explicitée. Tel devint le style des conférences mensuelles d'histoire des sciences du Palais de la Découverte, juste après la guerre, lors d'un déclin momentané du parisianisme. Le jeune formateur présentait néanmoins l'agrégation de mathématiques pendant la guerre. En réorganisant le CNRS, la Quatrième République lui offrait à la rentrée 1946 la possibilité inattendue de préparer une thèse en histoire des sciences. Cette spécialisation était tout à fait nouvelle en France, mais soutenue par Gaston Bachelard, elle a déterminé la mission de René Taton.
S'il devint le premier historien professionnel des sciences, toute sa vie, il n'a cessé d'oeuvrer pour que des professionnels viennent animer la cohorte des nombreux amateurs, scientifiques aussi bien que philosophes et littéraires, qui entendent dire l'aventure scientifique au cours des siècles et des civilisations. Bien conscient que les circonstances d'un renouveau de l'après-guerre avaient seules permis une émancipation de l'histoire des sciences, desserrant l'étau institutionnel aussi bien de la philosophie volontiers a-historique que du positivisme scientifique dont l'histoire du progrès est trop bien tracée, René Taton s'était aussitôt engagé dans des activités qui impliquaient le long terme. Elles visaient à la création d'une communauté d'historiens des sciences et des techniques. Il a ainsi mis en place une revue de valeur internationale, la Revue d'Histoire des Sciences éditée aux PUF et qui vit encore plus de cinquante années après. Il a dirigé aux PUF encore l'Histoire Générale des Sciences, ouvrage en plusieurs volumes traduit en anglais et qui reste une indispensable référence pour qui veut s'initier au domaine. Il a fait vivre le Centre qu'Alexandre Koyré voulait associer à sa direction d'études à l'Ecole des hautes études en Sciences Sociales en 1958, et qui est devenu en 1964 le Centre Alexandre Koyré.
Dans les séminaires de ce Centre, bien des spécialistes français et étrangers furent formés, qui bénéficient aujourd'hui d'une situation ouverte et riche grâce aux efforts de René Taton. Il savait comme nul autre maintenir un climat, fait d'abord de la modestie du savant qui ne peut jamais posséder tous les documents dont il peut rêver. Mais il n'oubliait pas l'aiguillon de la compétition intellectuelle, faisant alors de son séminaire un lieu de présentation des travaux en cours, et requérant une absolue rigueur dans la documentation. Il n'oubliait pas combien avait été déplorable le peu de références internationales dans les travaux en histoire des sciences en France avant guerre. Il luttait d'ailleurs contre les nationalismes qui souvent se dévoilent dans la glorification de la science du passé. Aussi bien, avec Pierre Costabel, son collègue à l'EHESS et au Centre Koyré, René Taton a assumé les plus hautes fonctions internationales en histoire des sciences.
Il n'oubliait pas les hasards heureux de la vie érudite, lorsque sa seconde thèse presque terminée sur Desargues et la géométrie projective, il identifiait un manuscrit perdu de cet auteur juste contemporain de Descartes au XVIIe siècle. L'historien méticuleux n'oubliait donc pas que l'enthousiasme peut saisir un chercheur, et que la mathématique est source inépuisable de plaisirs intellectuels. Il sut ainsi dire comment l'enthousiasme de Monge, l'auteur qui faisait l'objet de sa première thèse, se communiqua à une pléiade de jeunes chercheurs à partir de 1795, et comment ceux-ci, je le cite, « renversant partiellement le courant purement analytique issu des grandes découvertes du XVIIe siècle, réintroduisirent l'esprit géométrique dans la vie de la science ».
Jean Dhombres
D'autres articles signale ce qui suit:
René Taton est une figure importante de l’histoire des sciences tant en France qu’à l’échelle internationale. Il a occupé d’importantes fonctions, et ce, dans la durée : directeur de la Revue d’histoire des sciences de 1947 à 1984, premier directeur du Centre Alexandre Koyré, secrétaire général de l’Union Internationale d’Histoire et de Philosophie des Sciences.
Le fonds René Taton au CAPHÉS
Il semblait important au CAPHÉS de marquer le souvenir de son activité parmi les fonds accueillis, dans la mesure où la Revue d’histoire des sciences fait partie du pôle éditorial du CAPHÉS, et que le CAPHÉS abrite les archives de l’Union Internationale d’Histoire et de Philosophie des Sciences