B- Les horloges à corde
Ces horloges ne peuvent être actionnées que par l'enroulement d'une corde sur le barillet.
Dans ces horloges la mesure du temps est beaucoup plus précise que dans les précédentes. En effet : Lorsque la première horloge portative fut exécutée, on ne tardait pas à observer que, dans les cours des vingt-quatre heures, elle faisait des variations considérables. Ceci est attribué à la variation de la force motrice du ressort. Cette variation apparaît nettement en remontant l'horloge, car la force du ressort augmente très sensiblement, jusqu'au point où lorsqu'il est complètement tordu sa force devient à peu près le double de ce qu'elle était à la fin de sa course.
Pour garder la force motrice du ressort constante, on se sert d'une fusée.
Cette dernière est une espèce de cône tronqué. Dans sa surface latérale est creusé, en spirale, une rainure qui commence par sa base et se termine à son sommet. Cette fusée communique au barillet au moyen d'une chaîne dont l'une des extrémités s'accroche à la base du barillet et l'autre à la fusée.
La fonction de la fusée est de rendre homogène l'action du ressort sur le rouage, et ceci à cause des différentes longueurs des rayons qui forment la rainure spirale; ils sont tels que lorsque le ressort est à son premier tour de déroulement où sa force motrice est la plus faible, la chaîne se développe de dessus de la plus grand rayon de la fusée et agit sur le rouage avec une force qui se conserve lorsque le ressort arrive vers la fin de son déroulement la chaîne se développe de dessus du plus petit rayon de la fusée. Il est certain que la force motrice du ressort augmente au fur et à mesure qu'on le remonte, en même temps la chaîne se déroule de la fusée à travers des rayons qui diminuent progressivement; ce qui a pour effet de maintenir la force motrice du ressort constante.
Description de l'horloge à corde d’après Taqi al-Din
On construit un barillet identique à celui des horloges sans corde. On le débarrasse de sa roue motrice et on lui accorde le rochet d'encliquetage avec son cliquet. Dans ce barillet, on enferme le ressort spiral dont la traction joue le rôle de force motrice. L'ensemble tourne autour d'un axe dont les deux bouts sont mobiles dans deux trous pratiqués dans deux piliers verticaux et parallèles.
De même on construit l'ensemble des roues qui constituent le système d'engrenage de l'horloge à savoir: la roue principale, les roues secondaires, la roue de rencontre et le balancier muni de sa verge sur laquelle sont fixées les palettes d'échappement.
La fusée et son cliquet (figure tirée du traité) la roue de base (figure tiré du traité)
Pour régulariser la force qu'exerce le ressort spiral sur ce système d'engrenage, on associe à l'axe de la roue principale une fusée. Cette dernière est une cône tronqué dont la surface latérale renferme une rainure en spiral qui commence par sa grande base et se termine à la petite base. On fixe à la grande base de cette fusée une roue de diamètre légèrement plus grand , ce qui permet de tailler son diamètre en dents de rochet c'est-à-dire ces dents sont droites d'un côté et inclinées de l'autre. La roue principale est appliquée contre le rochet de la fusée au moyen d'une virole qui entre à frottement dans l'axe de la fusée, ce qui l'empêche de s'en écarter tout en lui permettant seulement de tourner .
Cette roue porte une tige à extrémité recourbée, appelée cliquet. On attachera aussi sur la surface de cette même roue, et près du cliquet, un ressort qui en s'appuyant sur le cliquet l'obligera à s'engager entre les dents du rochet. Ainsi lorsqu'on tourne la fusée pour remonter l'horloge, les dents du rochet échapperont de dessous le cliquet (ce mécanisme s'appelle l'encliquetage), car l'inclinaison de chaque dent permet d'écarter le cliquet, mais l'action du ressort l'oblige toujours à retomber entre deux dents. Dès que l'on cesse de faire tordre le ressort, les côtés droits des dents du rochet arc - boutent contre le cliquet , ainsi la fusée ne pourra tourner sans entraîner avec elle la roue principale.
Fonctionnement
L'horloge ainsi construite, il suffit d'enrouler la corde autour du barillet, puis d'introduire la clé dans l'axe de la fusée et de la tourner afin que la corde s'enroule sur les rainures de la fusée. Cette opération bande le ressort spiral enfermé dans le barillet. Ce ressort se déploie ramenant la corde autour du barillet. La fusée tourne dans le sens contraire que précédemment entraînant par conséquent la rotation de la roue principale et de tout le système d’engrenage. C`est ainsi que l'horloge entre en action.
Remarques et conclusion
Taqi al-Din termine son traité sur les horloges par des remarques très importantes et une conclusion assez intéressante. Nous les traduisons :
Remarque I
Comme les horloges à poids, les horloges portatives peuvent être à sonnerie. Dans ce cas il suffit de remplacer le poids de la sonnerie déjà décrite, par le ressort spiral, le barillet et la fusée. Quant au système d'engrenage, il comprend les mêmes éléments à savoir, la roue de compte, les roues secondaires et le volant modérateur. Il faut ajouter aussi la détente qui accorde le mécanisme de la sonnerie avec celui des heures.
Remarque II
Dans cette remarque Taqi al-Din propose une méthode pour préciser le diamètre et le nombre des dents de ses roues. A ce sujet il dit: '' Sur une plaque métallique mince, on trace un cercle de rayon moyen et on divise ce rayon en 30 parties égales. Soit (o) le centre de ce cercle dont le rayon renferme 30 divisions. On trace un autre cercle concentrique à la première et de rayon égal à 14 divisions. On divise ensuite le périmètre de ce dernier cercle en trois parties égales. Soit I,J, et K ces trois points.
Avec ces points comme centre on trace respectivement trois cercles égaux de rayon égal à 16 divisions. Ces trois cercles se rencontrent aux points (A), (B) et (C). On coupe ensuite toutes les parties de la plaque qui se trouvent à l'extérieur de ces cercles. On aura ainsi la forme de l'enveloppe du mécanisme de l’horloge.
On construit ensuite le barillet de rayon de base égale à 13 divisions et dont l'axe de rotation occupe l' un des centre (I), (J) ou (K). La roue principale aura un rayon égal à celui du barillet. Son périmètre sera fraisé en 65 dents identiques. La première roue secondaire aura comme rayon la distance qui couvre 12 divisions et aura 48 dents sur son périmètre. L'axe de rotation de cette roue secondaire porte un pignon de huit dents qui s'engrènent avec les dents de la roue principale. Une deuxième roue secondaire aura comme rayon 10 divisions et porte sur son périmètre 42 dents. Son axe porte un pignon de huit dents qui s'engrènent avec les dents de la première roue secondaire. La roue de champs aura un rayon de 8 divisions et porte 36 dents. Son axe porte un pignon de six dents qui s'engrènent avec la deuxième roue secondaire .Enfin la roue de rencontre aura un rayon de six divisions, sa couronne porte 11 dents et son axe porte un pignon de six dents qui s'engrènent avec les dents de la roue de champ
La roue principale est construite pour accomplir une révolution en quatre heure. Ainsi la roue du balancier effectue 4851 oscillations par heure. En effet: À chaque tour de la roue principale, la roue secondaire effectue 7 tours, la deuxième roue secondaire effectue 7x6= 42 tours, la roue de champ effectue 42x7 = 294 tours et la roue de rencontre effectue 294x6 = 1764 tours. Enfin les palettes rencontre la roue 1764x11=19404 fois pour quatre heures. Soit 4851 fois par heure . Le balancier effectue alors 4851x2=9702 oscillations par heure.
On fixe sur l'axe de la roue principale un pignon de rayon quatre divisions et demi; son périmètre porte 16 dents. Sur un axe parallèle à celui de la roue principale on fixe un pignon de quatre dents qui s'engrènent avec les dents du premier pignon. Sur le même axe on fixe la roue du cadran dont le rayon est 11,25 divisions et qui porte 48 dents sur son périmètre intérieur. C'est au bout de cet axe qu'on doit fixer l'aiguille des heures qui doit tourner devant un cadran circulaire divisé en douze parties égales. La conclusion signalée par Taqi al-Din
Taqi al-Din dit :'' Cette conclusion est très importante vu qu'elle traite des opérations de la main d'œuvre pour l'exécution des pièces d'horlogerie.
a - soudure du fer sur fer
Dans ce cas il faut limer les bords à souder jusqu'à ce que la couleur noire disparaisse. On lie les deux pièces à souder par un clou ou par un fil métallique. On couvre la partie à souder par des lames de cuivre rouge assez fines et très minces (le cuivre jaune est aussi plus facile à faire fondre), puis on fait concasser un morceau de verre de très bonne qualité et bien pur. On mélange le verre réduit en poudre avec de la salive, on obtient ainsi une pâte. Avec le bout d’un canif on prend une petite quantité de cette pâte et on couvre les lames de cuivre. Cette opération se fait en faisant tourner la partie à souder, sur un feu modéré jusqu'à ce que la pâte se sèche. Puis on augmente la puissance du feu jusqu'au moment où la couche de cuivre qui est au-dessous de la pâte de verre fond et s'écoule. On éteint le feu et on laisse refroidir. À l'aide d'un marteau on casse le verre et l'on obtient ainsi une soudure parfaite.''
Taqi al-Din signale à la fin de ce paragraphe ce qui suit:'' Si l'on veut que la soudure n'apparaît pas sur la pièce métallique, on pourra mélanger le cuivre jaune avec de l'argent dans une proportion double c'est-à-dire à 5mg de cuivre jaune, il faut ajouter 10 mg d'argent. Puis on suivra le procédé précédemment décrit pour la soudure.
b - Soudure du cuivre sur le fer.
Pour faire souder deux pièces métalliques de nature différente, du cuivre et du fer par exemple, il suffit d'ajouter au mélange précédent et en quantité égale à la moitié de son volume, du plomb pur. Dès que le mélange commence à fendre, on ajoute du nitrate de sodium puis on étend la pâte sur une pierre lisse et poreuse et on le laisse refroidir. On obtient une plaque mince dont l'épaisseur sera homogène par quelques coups de marteau. Pour la soudure, on utilise des lames de cette plaque. On mélange ensuite le nitrate de sodium avec du verre réduit en poudre (à10 volume de nitrate on ajoute 1/2 volume de verre concassé). On transforme ce mélange en pâte en ajoutant de l'eau. On suivra ensuite le même procédé décrit précédemment pour la soudure. Quant à la fabrication de la cloche, il faut ajouter à chaque ratl (2,5kg) de cuivre rouge 400 g de plomb. Pour avoir la pâte de ce mélange, on suivra la méthode suivante: On fait fondre le cuivre, on lui ajoute 600 g d'arsenic, 300g d'antimoine et une petite quantité de nitrate de sodium. On ajoute enfin le plomb. On verse le mélange obtenue dans un moule et on laisse refroidir. On obtient ainsi une cloche qui résonne fortement.
Notons que la hauteur du son (grave ou aigu) dépend non seulement du métal qui constitue la cloche mais aussi de la forme de ce dernier.
Pour le ressort moteur, il faut choisir une lame d'acier vénitien. ce genre d'acier est le meilleur. Cette lame doit être bien forgée afin de la rendre homogène; mais dans les horloges portatives ou dans les montres, il faut que le ressort soit plus épais, ce qui rend son déroulement beaucoup plus difficile. Pour remédier à cet inconvénient, il faut tremper l'acier. Pour cela, il faut suivre le procédé suivant: On enroule le ressort en spirales sans trop serrer les spires, puis on le trempe dans l'eau et on le saupoudre d'un mélange composé des éléments suivants: on réduit en poudre la corne d'une chèvre, on lui ajoute un volume égal de sel marin et quelques morceaux de l'épluchure d'une grenade. Ensuite on le lave afin qu'il soit bien propre. S'il n'est pas assez propre, on répète l'opération. D'autre part, on fait fondre le plomb, on le débarrasse de son écume et on trempe le ressort de façon qu'il soit complètement immergé. On attends quelques minutes et on attend pour voir sa couleur. Si cette couleur est toujours blanche on le trempe de nouveau .L'opération est répétée plusieurs fois jusqu'à ce que la couleur passe du blanc au jaune clair puis au violet. À ce moment on retire le ressort du bain de plomb et on le laisse refroidir.''
la transcription de ce traité fut terminée le Lundi matin à la date du 11 du mois de "rabi' al thani" de l'année 973 de l'hégire. Cette transcription a été faite à partir d'un autre traité écrit par Taqi-al-Din le fils du juge Ma'rouf.