La chirurgie

La chirurgie

La religion musulmane, comme la religion chrétienne, n'était pas en principe très favorable à la dissection des corps. Le corps humain et les rites des funérailles apparaissaient comme quelque chose de sacré. Dans l'antiquité, avec des conceptions religieuses forts différentes, le même sentiment existait. On voit que Galien hésitait à disséquer l'homme et recommandait à ses élèves de s'exercer  d'abord sur les animaux et surtout  les singes.

Pourtant une branche importante de la thérapeutique médicale - la chirurgie, appelée 'amal al -yad: «travail de la main» ou al-jiraha » - connut un grand développement avec celui que le Moyen-Âge  latin appela Abulcasis et dont le vrai nom est al- Zahrawi Abul-Qasim, né à Cordoue vers 926  ou 936 et mort en 1013. il a  vécu vers la fin du long règne du calife Umeyyade Abdul -Rahman III (912-961). Dans son énorme ouvrage de trente volumes , Le Tasrif,  Al-Zahrawi consacre le trentième volume à la chirurgie. Voici comment il décrit l'opération de l'incision du larynx, la trachéotomie:

« Une fois l'opération décidée, il faut inciser au-dessous du troisième ou quatrième anneau de la trachée, peu largement et en travers, entre deux anneaux, de manière à ne point intéresser les cartilages, mais seulement la membrane (inter cartilagineuse)[...]. Laissez quelques temps la plaie ouverte. Quand vous jugerez qu'il n'y a plus de danger de suffocation, vous réunirez les deux lèvres de la plaie, mais en ne comprenant dans la ligature que la peau et non les cartilages. Vous panserez ensuite avec des médicaments qui excitent les chairs jusqu'à la guérison.»

Parlant de la cautérisation du cancer, il écrit:

« Quand le cancer débute et qu'on veut en arrêter le progrès, il faut cautériser tout autour en suivant les contours. Quelques médecins recommandent de cautériser au milieu: ce n'est pas mon opinion. Je crains qu'il ne s'ulcère et je l'ai observé plusieurs fois. Il vaut mieux cautériser avec un cautère circulaire ou circonscrire le cautère par plusieurs pointes de feu»

Ressource: Marc Bergé - Les Arabes -

 

La chirurgie des calculs

La chirurgie arabe est représentée par quelques bons traités ou partie de traités. M. de Koning en a groupé une demi-douzaine qui sont relatifs au calcul des reins et de la vessie(1). Nous en citerons quelques lignes: Razès donne comme symptômes indiquant que le calcul a commencé à se former:«la limpidité de l'urine après qu'elle a été trouble, un sédiment sablonneux, une senteur dans le ventre et un tiraillement comme si quelque chose y était attaché, surtout quand le maladie s'étend». Ces symptômes sont d'ailleurs communs au calcul, aux engorgements et aux ulcères dans les reins. Rasèz étudie la maladie à différentes périodes et donne des remèdes qui préviennent la formation du calcul ou qui le brisent,  il indique les moyens d'adoucir la douleur et les traitements à suivre pendant l'évacuation du calcul. Il traite la question surtout en médecin, n'ayant recours que le plus tard possible à la chirurgie. « Si le calcul s'engage dans la racine de la verge, en sorte qu'il s'y arrête sans pouvoir passer plus loin, il faudra vous ingénier à l'éloigner au moyen d'un instrument délié qu'il en fasse sortir. Si le calcul ne sort pas de cette manière, on fera en haut une incision longitudinal pour l'extraire.» Cependant cette méthode ne devra être employée que si l'on y contraint pas la gravité du mal et une douleur insupportable; car le plus souvent l'endroit de l'incision devient une fistule. Lorsque de grands calculs se sont formés et que les remèdes qui le brisent n'ont plus d'effets, il faut avoir recours à l'opération. Le calcul est alors extrait à l'aide d'un instrument.

Abou al-Kasis décrit, d'après son expérience propre l'usage de cet instrument:«j'ai expérimenté, dit-il, ce qui suit: on prend un instrument perforateur en fer trempé, de cette forme ( il y a une figure), au bout triangulaire, aigu et fixé dans une manche en bois. Ensuite on prend un fil et on applique une ligature sur la verge, en dessus du calcul, afin qu'il ne rétrograde pas vers la vessie. On introduit avec précaution l'instrument dans l'urètre, jusqu'à ce qu'il soit arrivé au calcul; puis, avec la main, on fait tourner l'instrument contre le calcul, peu à peu, jusqu'à ce qu'on l'ait perforé et que la pointe ressorte de l'autre côté; alors l'urine est émise immédiatement. Ensuite on applique la main sur l'extérieure de la verge, et on serre ce qui reste du calcul; il sera brisé et rendu avec l'urine, et le malade guérira, s'il plaît à Dieu.»

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(1) traité sur le calcul dans les reins et dans la vessie, par Abû Bekr Muhammed Ibn Zakariya al-Razi, éd, et trad, P. de Koning, Leyde, 1896