Hygiènes alimentaires

Les Hygiènes alimentaires d'Ibn Butlân

Ibn Butlân, al-Mukhtar, ibn al-hassan, ibn Abdoun, ibn sa'dûn médecin chrétien né à Bagdad et mort en 455 de l'hégire (1068 de notre ère). Il a rédigé plusieurs traités en médecine dont le plus important fut "Taqwim al'sihha". C'est un traité d'Hygiène qui décrit, en 28o articles, les végétaux et les animaux nécessaires à l'alimentation de l'homme tout en reflétant les conseils et les précautions nécessaires à la bonne santé de l'individu. Ce traité fut traduit en latin à Palerme, dans la cour de Menfred, roi de Sicile de 1258 à 1266. Cette traduction intitulée "Tacunium Sanittatis" fut diffusée en Occident et une dizaine de copies illustrées sont conservées à la bibliothèque nationale en France, à Liège et à Rome.

Nous tirons cet extrait de la traduction de H.Elkhadem édition Peeters Louvains, 1990.

"Les canons qui permettent de connaître la nature des aliments sont au nombre de quatre...

le quatrième canon s'attache à déduire l'utilité de la nocivité apportée par les aliments, et à repousser cette nocivité grâce à la mesure et à l'expérience. En ce qui concerne la mesure, le sucré assoiffe par sa chaleur, produit de la bile en se décomposant, provoque de la diarrhée par sa faculté détergente, cause des obstructions en raison de sa valeur nutritive élevée et cela quand il se répand dans les membres en grande quantité.

L'acide tempère la bille, provoque des flatulences par sa froideur, il est nocif pour les nerfs, et les viscères par sa subtilité et la profondeur (de sa pénétration). Il est moins froid que les  typique et moins actif que le piquant.

Le salé déterge le flegme, assoiffe par sa chaleur, dessèche par sa sécheresse et rend la poitrine rêche par (sa faculté) constructive. Il constipe et existe l'appétit par sa froideur. Le styptique a la même mesure mais moins actifs dans ses autres effets.

L'amer a sur la langue un effet incisif et râpeux à cause de l'intensité de sa chaleur. Il est peu nutritif à cause de sa sécheresse et laxatif. Il fait déposer le flegme par sa chaleur. Le piquant a le même mesure mais moins actif dans ses autres effets. L'insipide refroidit.

Pour corriger la nocivité de l'un par l'autre: le sucré et l'acide corrigent mutuellement leur nocivité. L'acide neutralise le salé. Et le contraire, le salé et le gras se corrigent mutuellement. L'astringent corrige le gras et le sucré, qui à leur tour corrigent l'astringent lui-même. L'amer est prévenu par le très sucré. Et le contraire.

C'est ainsi qu'est levé ce doute interminable concernant le retrait de la nocivité des aliments. Quant aux déductions (résultants) de l'expérience, la preuve concrète les confirme et l'évidence sensible les montre (par examen) du pouls, de la respiration et du tact: ce qui a les effets de la chaleur est chaud."

l'Hygiène et le sport

Cet article est tiré de l'ouvrage de Carra De Vaux les penseurs de l'Islam tome II

Nous voudrions dans cette section donner une idée de la médecine arabe, en extrayant quelques notes du Canon, en particulier des livres relatifs à l'HYGIÈNE. Quelques lecteurs pensent peut-être que la théorie de l'hygiène par les sports, qui est si en faveur aujourd'hui, est une idée moderne. On verra que cette théorie se trouve dans l'oeuvre d'Avicenne, exposée avec minutieux détails, qui ne sont pas toujours facile à saisir au point de vue lexicographique. Il faudra remarquer aussi le goût d'Avicenne pour les divisions et les subdivisions. Elles sont en grand nombre, méthodiquement agencées les unes au-dessous des autres. Ces classifications sont rationnelles et ont le cachet scolastique. Mais on a affaire ici à une scolastique de bon aloi, qui met de l'ordre et de la logique dans le sujet et n'en exclut pas l'expérience.

Avicenne définit la médecine, la science par laquelle on connaît les états du corps humains et par laquelle on le conserve en bonne santé. Elle se divise en science spéculative et en science pratique. Toute science doit connaître les causes, en la matière dont elle s'occupe. La médecine doit donc connaître les causes de la maladie et de la santé. Ces causes peuvent être apparentes ou cachées. Celles qui sont cachées ne tombent pas directement sous les sens, mais elles se décèlent par certains accidents extérieurs. Les causes sont de quatre espèces: matérielles, efficientes, formelles et finales. Etc. On voit quel usage est fait de la philosophie pour la mise en ordre de la science. Mais parlons plutôt de l'hygiène.

Il y a dix-sept paragraphes sur l'hygiène des adultes. L'hygiène comprend la réglementation de l'exercice, de la nourriture et du sommeil.

L'exercice est défini, un mouvement volontaire qui force ensuite à reprendre haleine. Bien réglé et fait en son temps, il peut tenir lieu de traitement. Il y a deux sortes d'exercices: ceux auxquels on est obligé par le jeu ordinaire de l'activité humaine, et ceux que l'on fait exprès; c'est de ces derniers dont on entend parler. Ceux- là sont encore de diverses sortes: il y en a de doux ou de violents, de rares ou de fréquents, de vifs ou de lents. la lutte, la course, la boxe, la marche rapide, le tir à l'arc, au javelot, la gymnastique aux agrès, la marche à cloche-pieds, l'escrime à l'épée ou à la lance, l'équitation, le mouvement consistant à se tenir sur la pointe des pieds et à étendre les deux mains en avant et en arrière en les lançant avec vitesse, voilà des exercices rapides. Les exercices doux et lents sont la balançoire, le trébuchet, la promenade sur des chevaux ou des chameaux faciles ou la promenade en voiture. Parmi les exercices violents, il y a encore ceux-ci: que l'on court de toute sa force jusqu'au bout d'une grande place, puis qu'on revienne, que l'on reparte en diminuant chaque fois la distance jusqu'à ce qu'on s'arrête au milieu; la lutte avec les mains, les ongles ou le coude; le jeu à la balle, grosse ou petite, le jeu de la balle avec la crosse, le maillet ou la batte; la lutte corps à corps; le soulèvement des lourdes pierres, la course à cheval et autres luttes encore. On peut entrelacer ses doigts dans ceux de son adversaire et chercher à le faire reculer, ou faire de même en croisant les mains; la droite dans la droite de l'adversaire, la gauche dans la gauche. On peut aussi se placer poitrine à poitrine, ou, tenant l'adversaire par le cou, chercher à le mettre par terre, ou tâcher de lui donner un croc-en-jambe; et il y a encore d'autres formes de luttes.

Il convient de diversifier les exercices et de ne pas s'en tenir à un seul. Chaque membre en a qui lui sont propres. Pour la poitrine et les organes de la respiration, on les exerce tantôt en émettant des sons graves et profonds, tantôt en poussant des cris aigus. Cet exercice est utile aussi pour la bouche et la luette. Le teint s'embellit et la poitrine s'élargit, on peut encore gonfler les poumons en aspirant et retenant la souffle; c'est un exercice qui développe tout le corps.

Avicenne indique à quels états de santé conviennent les divers exercices. la balançoire, par exemple, convient à ceux qui ont été affaiblis par les fièvres, aux convalescents, à ceux ont bu de l'hellébore ou qui souffrent de quelques maladies de tête. Le mouvement de la balançoire dispose les humeurs au départ de la fièvre. Aller en voiture a la même effet, mais est un exercices un peu plus violent; ce mouvement est utile contre l'affaiblissement de la vue. Aller en barque sert contre l'hydropisie et l'apoplexie. Se promener en bateau près des rives où la vague se soulève, puis se reposer, est salutaire pour l'estomac. Naviguer en pleine mer vaut mieux encore, à cause de l'alternance d'expansion et de resserrement produite par les vagues.

Le moment le plus favorable pour faire les exercices est celui où le corps est pur, où il ne reste pas dans les viscères d'humeurs corrompues, gâtées, que le mouvement répandrait dans le corps. Il faut que le repas précédent soit digéré, et que l'on soit prêt à manger de nouveau. On reconnaît cela à ce que l'urine est d'une couleur normale. Il est bon qu'il y est encore un peu de nourriture dans l'estomac, lourde en hiver, légère en été. Les humeurs doivent être tempérées, ni trop chaudes, ni trop froides.

Avicenne parle alors des bains, du message, de l'hydrothérapie. L'homme dont les intestins sont relâchés n'a pas besoin de bains chauds. Le bain a pour effet de produire une chaleur douce et une moiteur tempérée. Il ne faut pas y rester trop longtemps, ne pas y venir immédiatement après l'exercice. Le bain froid ne convient qu'à ceux qui sont en parfaite santé sous tous rapports; il ne convient pas aux vieillards ni aux enfants. On peut le prendre après le bain chaud, pour renforcer l'épiderme et retenir la chaleur. L'eau employée ne doit pas être trop froid, mais légèrement tiède. On peut aussi prendre le bain froid après l'exercice. Le massage précédente bain doit être un peu plus fort que d'habitude. On se plonge alors tout d'un coup dans l'eau froide, afin qu'elle atteigne tous les membres ensemble; on y reste le temps de se dégourdir et de s'habiller au froid, mais pas assez longtemps pour qu'on éprouve le frisson. Après la sortie du bain, il faut manger davantage et boire moins. On observera au bout de combien de temps sont revenus la couleur et la chaleur normales. Si ce temps est court, c'est que le séjour dans le bain à été convenable. S'il est long, c'est qu'on est resté trop longtemps. Le bain froid bien employé fait d'abord rentrer la chaleur naturelle dans le corps, puis il la fait reparaître au dehors, deux fois plus vive qu'elle n'était avant.

A la septième section du livre IV, Avicenne traite de l'Hygiène de la beauté. Il a de nombreux détails sur les cheveux; il décrit les remèdes contre la chute, la canitie, les pellicules et il parle des teintures. Il dit ensuite ce qui a rapport à la beauté de la peau, comment elle doit être préservée du soleil, du vent et du froid, quels sont les moyens d'effacer les marques d'humeur ou de petite vérole, les taches de vin ou de rousseur; il indique la manière de laver les tatouages, de faire tomber les dartres, de fermer les gerçures. Puis il donne des traitements pour engraisser.