Le son

Nous ne prétendons pas aborder une étude scientifique et technique de la production du son et de ses caractéristiques. Nous tenons spécialement à présenter ce que les savants arabo-musulmans ont relaté à ce sujet.

À l'aube du quatrième siècle de l'hégire , le linguiste arabe (Abu al-Fateh Othman ibn Jinnni) reconnu sous le nom de Ibn jinni, s'est intéressé à l'étude  du son émis par les créatures. Dans son traité «Sirr  sina'at al-I'rab» (le secret de la modulation de la grammaire) il définit l'instrument humain producteur du son comme étant formé par les organes suivants: la poitrine, la gorge, la bouche, le nez et les lèvres. Puis il passe à la  définition  du son comme suit:"Il faut connaître que le son est une expression qui accompagne pour longtemps le souffle jusqu'au moment où elle (l'expression) rencontre successivement des obstacles,  dans la gorge, la bouche et les lèvres, qui la décompose en section dont chacune produit une lettre. Au son de chaque lettre correspond une résonance et cette dernière dépend de la section correspondante."

Plus loin nous lisons: “Vous ne remarquez pas que le son se  produit  du fond même de votre gorge puis  il se déplace vers n'importe quel obstacle pour former la section qui correspond à la lettre désirée.»[...] Quant à la lettre, qu'une personne   prononce quel que soit sa langue,  elle est exclusivement accordée aux êtres humains mais pas aux  autres créatures."

De ce qui précède nous remarquons que Ibn Jinni s'est contenté de préciser les différentes étapes de la production du son sans toutefois s'y attaqué à sa nature .

Les frères sincères et la nature du son

C'est à Ikhwan al'Safa (les frères de la pureté- Xe siècle de notre ère ) que nous devons des définitions plus précises sur la production , la nature et les qualités du son. Des citations tirées des  épîtres rédigées par les frères sincères , mettent en relief les différentes caractéristiques du son.

Concernant la production du son nous lisons: “Deux corps qui s'entrechoquent légèrement et souplement ne  produisent pas un son, car l'air s'infiltre calmement entre eux. Par contre le son se produit par un fort et rapide choc entre deux corps, car dans ce cas l'air se précipite spontanément, forme des vagues (ondes) qui se propagent rapidement dans les six directions. Il se produit alors un son qu'on entend.”

Dans une autre citation nous lisons:" Les grands corps volumineux produisent des sons plus forts que les autres moins volumineux, car le nombre des ondes est plus grand. Deux corps de même nature, de même forme et de même grandeur, produisent des sons, en parfaite concordance, s'ils entrent en collision.  ... les corps durs et creux comme les ustensiles (de cuisine) , s'ils sont frappés, produisent un son qui résonne pour une longue durée, car l'air se réfléchit dans les creux, sur les côtés et sur les contours. Les corps les  plus larges reflètent des sons plus forts car l'air parcourt des grandes distances. ... nous concluons que les qualités du son dépendent des corps qui entrent en collision, de la force du choc reçu par l'air, et de la propagation des ondes produites dans les six directions. Le son le plus fort est celui de la tonnerre."

Les frères sincères accordent au son les qualités suivantes: « un son est grand ou petit, fort ou faible, lent ou rapide , grave ou aigu», Ils précisent aussi qu'il faut  distinguer les sons continus des sons discontinus: «Pour les sons discontinus les  temps de repos sont aperçus clairement (les coups des baguettes des tambours), quant aux sons continus, ils sont produits par la flûte (nay)  et les norias. On distingue deux genres de sons continus: les sons graves et les sons aigus. Les flûtes, dont la  section du tuyau  et des trous est grande , produisent des sons graves, tandis que celles de faibles sections produisent des sons aigus. De même dans une flûte le trou le proche de son ouverture (lieu du soufflement) produit un son plus aigu que  celui qui est plus loin.»

Dans une nouvelle citation les frères sincères disent:"... tous ces sons, compris ou non compris, produits par un animal ou non, sont le résultat d'un choc, dans l'air, entre deux corps. Mais l'air par sa nature si humble et par le mouvement rapide de ses particules, faufile entre les corps et les  fait mouvoir les uns vers les autres. Si un corps entre en choc avec un autre corps, l'air s'échappe des deux corps et crée des ondes qui se propagent dans les six directions. Ce mouvement fait naître  des ondes sphériques qui s'agrandissent. Ces ondes sont   comparables à la forme d'une boule de verre  soufflés qui grandit au fur et à mesure que l'ouvrier en souffle pour lui donner la forme voulue.  Cet agrandissement mène à l'affaiblissement du son et par la suite à son atténuation.  De même si vous  lancez , dans une nappe d'eau calme et tranquille, une pierre,  il se forme  alors des rides circulaires ayant pour centre  la position de la pierre,  ces rides (ondes) grandissent  en se propageant  dans l'eau. Puis  le mouvement s'affaiblit pour s'atténuer complètement et les ondes disparaissent. Ainsi celui qui se trouve dans le milieu de la propagation des ondes entend le son produit par le choc des deux corps et  qui s'est propagé dans l'air. Ce son traverse les oreilles de la personne ou de l'animal présent, fait mouvoir l'air qui les remplit, pour être   transférer, par la suite au cerveau."

Puis les frères sincères continuent :"le sens de l'ouïe ne ment pas et il  se trompe rarement car il n'y a que l'air qui le sépare des ses sensations. Mais s'il y a une tempête, l'air est perturbé et le son est mal transmis. De plus si le son est produite à une très grande distance,  il n'est pas perçu par l'oreille car le mouvement qui s'effectue dans l'air pour le transmettre s'affaiblit et disparaît par suite de la grande distance parcourue."... "et sachez qu'à  chaque son correspond une harmonie et que l'air par son humble nature arrive à les distinguer , il conserve à chaque son ses caractéristiques, sans les mélanger, et fait parvenir chaque son séparément à sa fin  où il est capté par la force virtuelle fixée dans la lobe frontale  du cerveau."

Ibn Sina et la production du son

Dans son traité «al-Chifa'» Ibn Sina précise que le son est dû au mouvement de l'air causé soit par le choc entre deux corps et ce geste porte le nom d'«al-qara'» (القرع ), soit à la séparation rapide de deux objets et c'est le cas d'al-Nazi'»(النزع ). Dans les deux cas le son est dû aux secousses, captées  par l'air, qui ont suivies le choc ou la séparation des deux corps. De plus Ibn Sina précise que dans le premier cas la compression   très rapide de l'air provoque son échappement dans toutes les directions. Dans le second cas un vide se produit à la place du corps séparé et l'air s'y précipite pour le remplir.