Professeur Simon Jargy signale ce qui suit:" Le terme de «musique arabe» prête à certaines équivoques: il est justifié si l'on désigne par là l'expression historique d'une civilisation dont la langue arabe et la civilisation musulmane constitue les deux axes fondamentaux, mais il est impropre si l'on entend par «musique arabe» la forme d'un art inhérent aux Arabes et à l'arabe définis ethniquement et géographiquement. Cet art qu'il est convenu d'appeler ainsi couvre en fait des réalités esthétiques et ethnomusicologies variées et parfois fort différentes, mais il est marqué au sceau unificateur de l'Islam, lequel a pris racine et s'est principalement exprimé dans l'arabité.
Il importe en outre de distinguer deux formes différentes et assez nettement compartimentées du langage musical arabe : celui qui a trait à certaines traditions autochtones régionales et s'exprime dans ce que nous pourrions appeler la «musique populaire» ou les «musiques d'essences folklorique», et une autre musique, élaborée à partir de formes et de structures théorisées et codifiées, dite «classique ou savantes».
Les première obéissent à des normes propres et varient notablement d'un pays à l'autre, voire d'une localité à l'autre, suivant les groupements ethniques ou linguistique: c'est ainsi que nous avons les musique populaires d'Irak , de Syrie, du Liban, d’Égypte, de Libye, de Tunisie , du Maroc..., de même qu'au sein du monde arabe existent des musiques Kurde, arménienne, turkmène et autre.
À cette expression musicale, particulière à des groupements ethniques et que représentent surtout les traditions folkloriques des paysans, montagnards et bédouins, s'oppose la musique construite selon des formes et structures savantes, essentiellement élaborées dans les grandes cités, devenues en haut et bas Moyen Âge les centres du rayonnement de la civilisation islamique: Bagdad, Damas , Cordoue et Le Caire. Fruit de travaux où concoururent théoriciens et artistes, cette musique classique fut l'expression de l'art musical né dans le cadre de la civilisation de l'Islam aux côtés des autre expressions philosophique, scientifique, mystique...
À ce titre , cette musique savante est une œuvre de synthèse, et appartient donc à tous les pays qui ont fait partie de l'aire de civilisation de l'Islam. C'est ainsi qu'en dépit de certaines variétés ou nuances de forme, ce nous nommons «musique classique arabe» est identique dans sa structure et ses formes de base aux musiques classiques turque et persane ; elle est par ailleurs fondamentalement la même au Proche -Orient arabe et au Magreb.
Al-Farabï (Alfarabius) est également revendiqué par les Arabes et les Turcs; Ibn Sïna (Avicenne) est réclamé à la fois par les Iraniens, les Turcs et les Arabes. La théorie de l'échelle musicale fut emprunté essentiellement aux Grecs, tandis que le constitution des modes est en partie d'origine persane, et que ceux-ci gardent jusqu'à nos jours, pour les Arabes comme pour les Turcs et les Iraniens, les nom persans d'autrefois: Rast, Seh-gah, Shanaz, Nuruz. la technologie des rythmes a en revanche conservé ses origines arabes: Ramal, thaqil, Khafif, Darij. Ce sont des modalités d'exécution différentes dues à des influences régionales, de même qu'une évolution séparée, marquée par des pertes ou des modifications terminologiques, qui ont donné à la musique classique moderne de chacun de ces trois grands pays musulmans un cachet particulier, leurs musiques populaires restant, bien entendu, fondamentalement différentes".