Des techniques plus avancées
La grande importance de l'eau implique un recours à des appareils plus solides de rendement assez important. C'est dans ce but que les anciens ont développé les machines élémentaires décrites précédemment pour présenter les roues hydrauliques. Il est assez difficile de connaître les origines de ces roues , mais nous trouvons des descriptions chez les grecs et le romains.
Les nouvelles machines élévatrices des IIIe et IIe siècle av.J.C1
Toujours est-il que l’on voit bientôt apparaître une première roue élévatrice, le tympan, du latin tympanus qui signifie tambour. Il s’agit d’une roue compartimentée, avec des orifices disposés de telle sorte que, au cours de sa rotation, les compartiments qui sont en bas, au contact de l’eau, se remplissent, tandis que ceux qui sont en haut se vident dans des goulottes. Le tympan peut être mû par des hommes marchant sur sa périphérie, plus rarement par un manège d’animaux avec l’intermédiaire obligé d’un renvoi d’engrenage.
Cousine du tympan, il y a la roue à augets (antlia en grec) : des compartiments munis chacun d’un orifice sont disposés tout au long de la périphérie de la roue, le débit délivré est moindre que dans le cas du tympan, mais la hauteur d’élévation est beaucoup plus grande. Dans une fresque d’Alexandrie datée du iie siècle av. J.-C., on voit une roue à augets qui élève l’eau d’un réservoir, elle est mue par deux bœufs qui font tourner un axe vertical, et il y a un renvoi d’engrenage entre cet axe vertical et l’axe horizontal de la roue. Il n’est pas toujours facile de savoir si tel ou tel texte évoque une roue à augets ou un tympan. L’une des traces les plus anciennes de l’une ou l’autre de ces roues remonte à la fin du iiie siècle av.J.-C. : sous le règne de Ptolémée IV (221-205 av. J.-C.), à Alexandrie, une roue élévatrice a été utilisée pour assécher un dock. On ne sait pas qui fut l’inventeur de ces roues élévatrices, ni où elles furent inventées. En revanche, deux autres machines sont clairement associées à des grands personnages de l’époque. Il s’agit d’abord de la pompe manuelle à deux pistons, que les auteurs anciens s’accordent à attribuer à Ctésibios d’Alexandrie, un éminent savant qui vêcu sous le règne de Ptolémée II, au début du IIIe siècle av.J.C.
Ensuite, c’est la vis d’Archimède (koklias,, ce qui signifie limaçon), attribuée au célèbre Archimède de Syracuse (287-212 av. J.-C.) au cours d’un séjour qu’il fit en Égypte. Il est possible que ce fût après avoir vu fonctionner un tympan qu’Archimède eut l’idée de sa vis, qui est une sorte de tympan à trois dimensions Les représentations picturales existantes des vis d’Archimède montrent qu’elles étaient animées par des hommes marchant sur leur circonférence, tout comme le tympan. En tout cas, cette machine eut immédiatement un énorme succès en Égypte : un auteur, appelé Agatharchides (180-116 av. J.-C.), raconte qu’il en a vu fonctionner dans le delta du Nil. Strabon, le géographe, rapporte, de son côté, en avoir vu sur le Nil, au cours de la remontée de ce fleuve qu’il fit vers 26 av. J.-C. Sur le site d’un camp romain près du Caire, des vis et des roues élévatrices étaient animées par des prisonniers:«Une saillie de terrain descend du camp jusqu’au Nil, d’où l’eau est remontée du fleuve par des roues et des vis hydrauliques ; cent cinquante prisonniers sont employés à ce travail. De là, on aperçoit distinctement les pyramides..
Dans son livre "Architectura" vitruve nous parle des premières roues hydrauliques «le tympan» et la roue à augets.
"Je traiterai maintenant de la manière dont sont agencés les types divers d’appareils qui ont été inventés pour puiser l’eau. Et je parlerai d’abord du tympan. Cet appareil n’élève l’eau qu’à une faible hauteur, mais il est très pratique pour en tirer une grande quantité. Un essieu, façonné au tour ou au compas, et dont les extrémités ont un bandage de fer, est entouré, en son milieu, par un tambour fait de planches assemblées; il porte sur des montants qui sont recouverts, sous les extrémités de l’essieu, par des plaques de fer. Dans la cavité du tambour, on place à intervalles, en contact avec l’essieu et avec la circonférence du tambour, huit traverses de bois qui délimitent dans le tambour des compartiments égaux. Sur tout son pourtour, on fixe des planches, en ménageant des ouvertures d’un demi-pied pour recueillir l’eau à l’intérieur. Autour également de l’essieu, des boulins (trous ou ouvertures) sont percés dans chaque compartiment et d’un seul côté. Quand l’appareil a été enduit de poix, selon le procédé employé pour les bateaux, des hommes le font tourner avec les pieds ; puisant l’eau par des ouvertures qui sont sur le pourtour du tambour, il la rejette par les boulins autour de l’essieu ; au-dessous est placé un réceptacle en bois auquel est directement rattaché un canal. Une grande quantité d’eau est ainsi fournie aux jardins, pour l’irrigation, ou aux salines, pour le traitement du sel.
Quand il faudra cependant élever l’eau à une plus grande hauteur, on aménagera le même système de la manière suivante : on mettra autour de l’essieu une roue dont le diamètre sera proportionnel à la hauteur nécessaire. En bordure, à la circonférence de la roue, on fixera des augets carrés, calfatés avec de la a poix et de la cire. Ainsi, quand les hommes feront tourner la roue avec les pieds, les augets pleins, portés jusqu’au haut puis revenant à nouveau vers le bas, déverseront d’eux-mêmes, directement, dans le déversoir , directement, dans le réservoir, toute l’eau qu’ils auront élevée »
«On utilise aussi sur les rivières des roues de même type que celles décrites ci-dessus (c’est-à dire-le tympan et la roue à augets). Sur tout le pourtour sont fixées des aubes (pinnae) qui, lorsqu’elles sont frappées par la force du courant, sont mises en mouvement et font tourner la roue ; elles puisent ainsi l’eau par des augets et l’élevant jusqu’en haut, en tournant sans l’action des pieds de manœuvre , mais par la seule force du courant, elles fournissent ce qui est nécessaire aux besoins..
Une autre machine élévatrice est la chaîne à godets ou saqqya – selon le nom arabe qu’elle aura par la suite . C’est la machine qui permet la plus grande hauteur d’élévation : sur un tambour d’axe horizontal passe une chaîne munie de godets, cette chaîne, dont la partie inférieure trempe dans le réservoir d’eau à élever, peut être aussi longue que l’on voudra, la seule limite à la hauteur d’élévation étant la puissance disponible. La chaîne à godets était, en général, mue par un manège d’animaux attelés pour faire tourner un axe vertical , avec un renvoi d’engrenage. La première trace formelle de cette machine remonte au milieu du IIe siècle av.J.C pour remonter de l’eau au bain de Cosa en Italie centrale.
Dans un traité arabe attribué à Philon de byzance, nous trouvons la description des roues hydrauliques.
Ce traité ibtitulé:"Le livre des appareils pneumatiques et des machines hydrauliques" [Texte imprimé] / par Philon de Byzance, edité d'après les versions arabes d'Oxford et de Constantinople et traduit en français par le Baron Carra de Vaux
Fig - A - Fig - B -
Modèle 64 du traité figure A
64. Construction d’un autre appareil. Une roue au-dessus d’un puits profond. — Cette roue monte l’eau d’un lieu profond, sans l’emploi d’un outil pour puiser.
Modèle 65 du traité figure B
65. Construction d’un autre appareil élégant. — Préparons encore un autre appareil dont on tirera beaucoup d’autres service. On pourra, par son moyen, élever l’eau des rivières ou autres lieux jusqu’à l’amener dans des endroits élevés et arroser les jardins et les cultures; on pourra élever cette eau jusqu’à la faire parvenir dans des châteaux et dans des lieux cachés. — Il faut que la rivière dont on se sert pour arroser avec cet appareil soit bien courante, allant vers des lieux déprimés, assez abondante relativement à l’eau qu’élève cet instrument. de cet appareil.
Voir description dans la traduction du Baron Carra De Vaux
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1 - Pierre Louis Viollet "Histoire de l'énergie hydraulique" - moulins, pompes, roues et turbines de l'Antiquité au XXe siècle - Presse de l'école nationale des Pont et Chaussées - 2005