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 L'horloge de Radwan al-Sa'ati

Le traité de Radwan "'Ilm al-sa'at wa al'amal biha" (la science des horloges et leur utilisation ) est composé de 198 pages d'une écriture claire, nette et bien lisible, mais l'ordonnance des idéeslaisse à d.sirer, demême des répétitions inutiles rendent le traité ennuyeux  

Dans l'introduction de son traité, Radwan précise qu'il décrit l'horloge de la grande mosquée de Damas construite   au temps des Omeyyades. Il signale que son père était le dernier horloger à s'occuper de son fonctionnement jusqu'à l'an 564 de l'hégire où un incendie  a  détruit l'horloge . Son père la reconstruit tout en ajoutant quelques nouveautés à son mécanisme et il s'en occupa de nouveau jusqu'à sa mort.

Dans cette même introduction Radwan parle des efforts vains de trois personnes qui ont essayé de maintenir l'horloge en fonction après la mort de son père. Parmi eux il cite le nom d'Ibn al-Naccache auquel il a adressé des critiques très sévères. À la fin de cette introduction Radwan signale qu'il a personnellement rénové l'horloge en ajoutant de nouveaux mécanismes assez importants et que grâce à lui l'horloge fonctionna de nouveau en donnant  des mesures très précises.

Aspect extérieur de l'horloge.

La figure ci-dessus , tirée du traité d'Al-Sa'ati nous permet de décrire l'aspect extérieur de l'horloge.

   

À l'extrême droite de la figure  apparaît le mécanisme de base de l'horloge. C'est le réservoir d'eau muni de son flotteur. Ce dernier est relié par l'intermédiaire d'une chaîne enroulée sur la gorge d'une poulie fixée sur l'axe d'une grande roue qui marque les heures diurnes. À ce même flotteur est reliée la roue des heures nocturnes par l'intermédiaire d'un autre chaîne et des poulies.

En bas , à gauche de la figure se trouve  le mécanisme de déclenchement des portes qui indiquent respectivement les heures écoulées. Ce mécanisme est formé d'une boîte métallique qui porte un index surmonté d'une une pièce métallique en forme de croissant dont le rôle est de libérer les portes de leur crochet pour leur permettre une libre rotation autour  de leur axe .                            

Une  boîte appelée selon sa forme "la souris" apparaît à l'extrême gauche de la figure. Cette boîte se déplace sur un rail fixé devant les portes . Son mouvement est assuré par une première chaîne qui la relie à la roue des heures diurnes et une autre chaîne qui la relie à un contrepoids. (les chaîne apparaissent nettement dans l'illustration.

Au centre, on trouve les portes, chacune est surmontée de son volet. Les trois portes de droites sont représentées avec les cordes et les contrepoids. Au-dessus de la série des volets apparaissent les canaux à balles qui se recourbent de part et d'autre de la machine; chaque canal aboutit à la tête d'un faucon . Ce dernier, mobile autour d'un axe horizontal, se penche sous l'action de la balle et la crache dans le  canal approprié . Il se redresse automatiquement  sous l'action d'un contrepoids. Les faucons apparaissent des deux côtés de la figure.

Au dessus  des volets apparaît le mécanisme de déclenchement des balles. Il est formé d'une longue baguette muni d'une verge recourbée à angle droit. Cette verge porte deux anneaux capables de maintenir deux balles en équilibre .  Chaque anneau maintient une balle et c'est la rotation de la verge autour d'un axe horizontal qui la libère.

Au centre de l'illustration et vers le haut apparaît le disque des heures nocturnes; il est perforé de douze ouvertures qui s'illuminent successivement pour indiquer l'écoulement des heures. L'illumination est assurée par une lampe à gaz accrochée derrière la roue et qui apparaît à son sommet.


 

Description technique

Nous abordons la description détaillée de chaque élément selon le texte d'Al-Sa'ati.

I - Description des éléments de base de l'horloge

1 - le réservoir principal (appelé par al-Sa'ati al-Binkan )البنكان

C'est un cylindre métallique en cuivre rouge de hauteurr 6,5 empans  (1,56m) , de  quatre empans et six doigts joints de périmètre ( soit 96+12=108cm). Sa base  est formée d'une tôle métallique assez épaisse,   bien soudée à sa couronne. Ce cylindre doit être bien étamé et monté sur trois pieds équidistants. Un tuyau de 12 cm de diamètre et de sept empans (1,68m) de longueur pénètre par une ouverture, pratiquée à une hauteur de 10 cm de la base dans la surface latérale du cylindre, et vers l'intérieur de ce dernier . Le reste de la longueur du tuyau reste à l'extérieur pour d'autre usage. Pour que ce tuyau adhère solidement au cylindre, Radwan nous conseille de souder des deux côtés de la surface du cylindre trois couronnes métalliques.

2 - Le réservoir secondaire (appelé par al-Sa'ati "al-Kayl" ) الكيل

C'est un petit cylindre fermé de même métal que le réservoir principal  et dont la hauteur ne dépasse pas les deux tiers d'empan (soit  16 cm) . Au centre de son couvercle on a pratiqué une large ouverture qui permet le libre passage de l'eau du canal qui lui est accordé.

Notons que les deux réservoirs sont reliés entre eux par le tuyau précédemment décrit. Ce tuyau doit se tenir horizontalement et son extrémité qui pénètre à l'intérieur du réservoir secondaire doit être recourbé pour permettre un meilleur écoulement de l'eau.

Siganlons de plus que les bases des deux réservoirs doivent être dans un même plan horizontal.

3 - Le réservoir  régulateur (appelé par Radwn "al-rub' ")الربع (Fig  ci-contre)

C'est un cylindre métallique de même section que le réservoir secondaire mais de hauteur double . Son couvercle à baïonnette est perforé d'une ouverture circulaire à laquelle on fixe, vers l'intérieur, un billot métallique percé d'une ouverture tronconique prête à recevoir l'index tronconique du flotteur,  L'ensemble (billot et index) forme une soupape qui s'ouvre et se referme selon le niveau de l'eau dans le réservoir régulateur. Ce dernier doit-être monté sur un support en bois ayant la forme d'un tronc de cône. La surface latérale du réservoir régulateur est percé d'une ouverture rectangulaire dans laquelle on introduit un petit tuyau qui joue le rôle de pièce femelle d'une soupape régulatrice dont la pièce mâle est l'une des branches d'un tuyau coudé à angle droit appelé "Jaz'a .الجزعة

4 -  "al-Jaz'a " الجزعة  

الجزعة هي الجسم المثقوب من جزع او عقيق او ذهب او نحاس ومنها يخرج الماء 

"Al-Jaz'a , c'est le corp percé, d'onyx, de cornaline, d'or ou de cuivre, duquel l'eau jaillit"

ce corps percé peut-être une petite pierre d'onyx, de cornaline ou d'or.

Le tube d'al-Jaz'a أنبوب الجزعة 

C'est un petit tube vide à extrémités ouvertes encastré dans le disque d'al-Jaz'a . L'une des deux extrémités donne accès au tube recourbé , l'autre est couverte par al-Jaz'a 

5 - Les flotteurs الطفاف

a - flotteur du réservoir régulateur

il est formé d'une demi-sphère surmontée d'un index de forme tronconique fixé en son sommet. Deux anneaux sont soudés de part et d'autre de cet index. Des fils de soie sont fixé à ces anneaux. 

b - flotteur du réservoir principal

Il est formé d'une demi -sphère creuse lestée par deux disques métalliques de diamètres différents . Le plus grand à un diamètre légèrement inférieur à celui du réservoir. Le petit disque concentrique au premier est lesté par du plomb 

Dans le texte, Al-Sa'ati explique comment on pourra assurer ce lest. à ce sujet il dit:" On fait fondre le plomb et on l'étend uniformément sur la surface du petit disque de façon à avoir une couche homogène assez épaisse et on le laisse refroidir. La masse du plomb à étendre doit être de cinq ratl".

6 - Plateau des signes de zodiaque 

Ce plateau est formé d'un disque métallique muni d'une couronne, de hauteur 1 cm et d'épaisseur convenable, fixée perpendiculairement à son plan. Ce disque sera divisé en quatre parties égales par deux diamètres perpendiculaires. Chaque parties sera divisée en trois secteurs égaux . On inscrit, dans chaque secteur le nom d'un signe de zodiaque en commençant par le Bélier à partir de l'origine trigonométrique et en tournant dans le sens positif, puis on trace une couronne autour des signes de zodiaque. Cette dernière est divisée en cinq parties identiques. 

7 - Le disque régulateur du flux d'eau - 

C'est un disque de même diamètre que la couronne intérieure du plateau. on pratique en son centre une ouverture dans laquelle on introduit le tuyau régulateur de sorte que le  point de raccordement de ses deux branches coïncide  avec  le centre du disque, tandis que la branche portant l'orifice d'écoulement longe un rayon vertical. L'extrémité de cette branche est munie d'un index métallique qui se déplace sur la couronne. Un autre index identique est fixé au bord du disque en un point distinct opposé au premier.                  

 Montage

La figure ci contre montre les éléments précédemment décrits rassemblés. On distingue le réservoir principal (V) monté sur ses trois pieds, son robinet (R) et le flotteur (F) suspendu par une chaîne . Le réservoir secondaire (K) est relié au premier par le tuyau d'échappement. (T) représente le réservoir régulateur muni de son flotteur (f) et du plateau (p) des signes de zodiaque avec son disque et son tuyau régulateur. Les deux réservoirs (T) et (K) se communiquent par un canal qui permet le passage de l'eau de (K) à (T) à travers l'ouverture (I) et la soupape (S).

Ce montage constitue le corps principale de l'horloge.

 Toutes les figures sont tirées du traités de Radwan , nous avons ajouté les lettres et les noms en français


 

Description des éléments secondaires ou éléments indicateurs du temps de l'horloge.

1 - Les portes

Tout le mécanisme de l'horloge monumentale de Radwan est encastré dans une chambre rectangulaire assez rigide construite en pierres cimentées. Dans la façade  de cette chambre on a pratiqué une ouverture rectangulaire dans laquelle on a monté douze colonnes équidistantes en cuivre rouge. Ces colonnes sont décorées par des clous dorés et des gravures variées. Entre deux colonnes se dresse une porte mobile autour d'un axe de rotation  horizontal. Deux crampons maintiennent cette porte dans sa position d'équilibre stable. De plus , deux tenons saillants sont fixés, sur la porte, de part et d'autre de son axe de rotation. Une petite chambre réservée au contrepoids est construite au-dessous de chaque porte.

2 - Les volets

 Chaque porte est surmonté d'un volet. Ce dernier est l'assemblage de lames métalliques dorées en forme d'un tronc de prisme dont la base est prolongée par une plaque métallique rectangulaire. Ce volet porte une tige en cuivre jaune terminée par un croissant. Chaque volet doit être mobile autour d'un axe horizontal afin de pouvoir occupé deux positions: l'une  montre la tige portant le croissant se dressant verticalement, tandis que l'autre la montre étendue horizontalement. Une bobine munie d'une chaîne est associée à chaque volet.

              

figure reconstituée d'après la description d'Al-Sa'ati

3- Les balles et leur mécanisme de déclenchement

Les balles sont des sphères métalliques qui, une fois libérées , se déplacent dans des canaux pour arriver à la tête du faucon. Un mécanisme de déclenchement est capable de libérer deux balles à chaque heure,  chacune roule ensuite dans son propre canal.

Notons que ces canaux sont formés de  deux tuyaux cylindriques disposés horizontalement au-dessus des volets. Ils s'incurvent de part et d'autre des volets et chacun aboutit à la tête d'un faucon.

Le déclenchement des balles est assuré par douze tiges qui divisent chaque canal en douze parties égales . Chaque tige mobile autour de l'une de ses deux extrémités ,porte deux demi-disques qui doivent pénétrer dans la branche horizontal de chaque canal. L'extrémité mobile de chaque tige est reliée par une corde à un contrepoids. 


4 - Les contrepoids

Le contrepoids est une poire métallique terminée en son sommet par un anneau auquel on a accroché une tige portant trois petits anneaux . À l'un de ces anneaux on noue un fil de soie qui se rattache aux tenons fixés à la porte. Au second anneau on relie l'extrémité de la corde du mécanisme de déclenchement des balles. Au troisième on attache une corde relié à la bobine du volet. 

5 - Le traineau

 Un petit traineau, appelé la souris , selon sa forme, porte un petit index vertical. Il se déplace sur le plan horizontal formé par le plafond des chambres des contrepoids. Son mouvement est entraîné par des chaînes fixées à deux anneaux solidaires à son corps. L'une des deux chaînes s'enroule sur la gorges de la grande roue des heures diurnes et l'autre se rattache par l'intermédiaire des poulies à un contrepoids.

6 - Les faucons

Le corps métallique du faucon est mobile autour d'un axe  horizontal. Un contrepoids assure le redressement de ce corps une fois incliné. Le bec du faucon également mobile, s'ouvre  sous l'action du poids de la balle et se referme dès que le faucon se redresse.

Au-dessus du bec de chaque faucon, on fixe , sur un support en bois bien décoré, un grand bol métallique muni  d'un tuyau qui donne accès à la chambre des balles. En son centre , on fixe un miroir métallique. Le choc entre ce miroir et la balle fait entendre un son qui résonne très fortement pour indiquer le passage d'une heure.


 

Description des disques qui indiquent les heures

les heures nocturnes  sont indiquées par des ouvertures pratiquées au-dessus des volets dans la façade  de l'horloge. Ces ouvertures appartiennent à la couronne d'un demi-cercle dont le périmètre est égale exactement à la distance parcourue par la souris afin d'ouvrir les douze portes. Chaque ouverture est fermée par un disque de verre. Une couronne opaque identique à celle des ouvertures peut les ouvrir partiellement ou complètement  à cause de son mouvement de rotation dû à la poulie centrale. Cette dernière est reliée à l'arc par des tringles en bois (fig A)      

          

    A - et B  figures tirées du traité de Radwan al-Sa'ati                               B                                                                                             

 Les heures diurnes sont  indiquées de deux façons : par les portes, et  par  le déplacement du disque solaire sur les signes du zodiaque. Ainsi on construit la grande roue des signes de zodiaque sur lequel on trace douze petits cercles identiques dont chacun représente un signe. Dans chaque cercle on perce trois trous dont l'un au centre du cercle. Le disque solaire peut alors occuper l'un des trois trous.

Tous les disques précédemment décrits sont mobiles autour d'un axe à sections variables (fig B) .

Pour reconnaitre les fractions d'heure, Al-Sa'ati propose la méthode suivante: On prend une lame métallique de longueur égale à la distance qui couvre les douze portes. On la perce de 144 trous (144x5=720=12 h)  équidistants et on la fixe devant les portes. Le déplacement du croissant devant ces trous pourra mesurer  l'écoulement du temps toutes les cinq minutes.

 

 

                          Figure reconstitué d'après la description.

 

Fonctionnement de l'horloge

Radwan décrit le fonctionnement de l'horloge comme suit: Une fois toutes ces pièces accordées et l'horloge montée, il suffit de relier les chaînes pour la mettre en marche. A l'aube, l'horloge est mise en marche. À cette fin, on remplit le réservoir principal jusqu'au niveau demandé. La soupape du réservoir régulateur  étant toujours fermée , on tourne l'index du tuyau régulateur sur le degré qui convient au jour précisé. Le traîneau étant à sa position initiale; cette position doit se trouver à une distance, du centre de la première porte, égale à la largeur d'une porte. On ouvre la soupape en dénouant les fils qui la rattache au tuyau carré. L'eau s'écoule de l'orifice régulateur et son niveau dans le réservoir principal baisse. Le grand flotteur de ce réservoir se déplace entraînant le début du déplacement du traîneau (La souris) et sa tige se déplace devant les trous de la lame métallique indiquant le déroulement toutes les cinq minutes. Après une heure cette tige décroche le crampon de la première porte qui tourne d'un angle de 180 degré et présente sa face postérieure. Le contrepoids descends et déclenche deux mouvements: La bobine renverse le volet pour que sa verge se redresse verticalement , et une paire de crochet se déconnectent pour libérer deux boules dont chacune se dirige vers la tête d'un faucon à travers son propre canal. Les faucons se penchent , crachent les balles et se redressent sous l'action des contrepoids. L'écoulement de l'eau continu, le traîneau suit son chemin et le même phénomène se reproduit à chaque heure.

À la tombée de la nuit chaque porte a changée de face, chaque volet a redressé verticalement son index et toutes les boules ont été déchargées.

Pour les heures nocturnes, l'horloge doit être remontée c'est-à dire: le réservoir remplit de nouveau, les balles replacées dans les canaux et le traîneau ramené à son point de départ.

                  

Pour pouvoir reconnaître  l'heure la nuit, il suffit de compter le nombre des fenêtres illuminées.À cette fin on déconnecte les chaînes des  crochets du traîneau et on les relie à la roue des heures nocturnes. Dès que l'eau s'écoule de l'orifice régulateur, le flotteur du réservoir principal se déplace entraînant la rotation de la roue centrale et par conséquent de l'arc . Ce dernier dévoile à chaque heure une fenêtre illuminée. À la fin de la nuit, toutes les fenêtres s'illuminent.

Notons que la figure est tirée du traité d'Al-Sa'ati , nous avons ajouté les annotations en français.

 

Les horloges d'Al-Jazari